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Emeute de femmes en 1771 à Rambervillers contre le prix excessif du blé
Dès 1754, on décrète la liberté entière du commerce de grain dans l’intérieur du royaume ; plus tard (1758) on encourage les défrichements, on autorise la formation (1763) de magasins de blé ; enfin, le célèbre édit de 1764 accorde la pleine liberté d’exportation des grains par navires français et l’importation par tous navires ; à la sortie le blé payait un demi pour cent de droit, et un pour cent à l’entrée.
La liberté d’exportation était suspendue sur tout point du territoire où le blé atteignait 12 livres le resal (un resal correspondait à 117,2 l).
La Halle aux blés à Paris, à la fin du XIXe siècle Le prix du blé ne diminua pas. La population affamée s’en prit alors aux « monopoleurs ». Cette fois elle n’avait pas tous les torts. Tout le monde tonnait le triste rôle du roi Louis XV dans ce qu’on a appelé le « pacte de famine » ; principal intéressé dans la trop célèbre Société Malisset, le roi permettait tout aux représentants de cette Société : le blé était-il abondant dans une province (Languedoc) ? Vite on en interdisait l’exportation dans les provinces voisines, et le grain acheté à vil prix par les agents de la Société Malisset attendait dans des magasins la hausse qui ne tardait pas à se produire ; ou bien, l’interdiction d’exportation était levée, et le blé, transporté dans une province affamée, était vendu à gros bénéfice !
Le roi suivait avec le plus grand intérêt les variations du prix des grains ; et plus d’une fois, les courtisans eux-mêmes baissèrent les yeux en voyant sur le secrétaire du roi des carnets où étaient inscrits jour par jour les prix du blé dans les divers marchés du royaume. Bien plus, enchanté des énormes bénéfices réalisés, Louis XV ne craignit pas de créer « l’office de Trésorier des grains au compte de Sa Majesté ».
Les femmes se concertent La quantité de blé qui, toutes les semaines, arrivait, était suffisante à la consommation de la ville, mais ce blé était acheté par des spéculateurs étrangers, si bien que le prix s’en maintenait toujours très élevé. Ce jour-là, le vendeur élevait le prix du resal à 40 livres. Depuis longtemps, de sourdes rumeurs couraient dans la population, on criait au monopole, à l’accaparement ; les acheteurs étrangers qui venaient sur le marché pour lever des grains et les conduire dans les lieux de leur demeure, étaient surtout l’objet de la haine de la population.
Ce qui, cette fois, mit le comble à la fureur populaire, c’est que le bruit se répandit qu’à Paris, Nancy, Lunéville, etc., le blé se vendait à un prix fort au-dessous de celui qu’on proposait... Au moment où les acheteurs allaient prendre livraison du blé, trois cents femmes, arrivant de divers côtés, suivies et secondées par leurs hommes envahirent le marché au grain, en chassèrent les acheteurs ; ceux-ci voulurent résister. Mal leur en prit, les maris accoururent au secours de leurs femmes, et « les leveurs étrangers », fort maltraités, durent au plus vite prendre la fuite...
Après la saisie du blé par les femmes, le marché reprend son cours La municipalité, aidée de quelques hommes de la maréchaussée, essaya de résister ; mais en vain. Elle n’avait d’autre arme à opposer que la voie de remontrance ; pourtant elle parvint à empêcher la saisie du blé des négociants de la ville, et à sauver les boulangers d’une perte assurée en faisant sentir aux mutinés que dans ce désordre les boulangers n’avaient pu s’approvisionner au prix de 25 livres.
Elle rédigea sur le champ un procès-verbal des désordres qui venaient d’éclater : « Ces voies de fait, concluaient les édiles d’alors, contraires au bien public, capables d’éloigner tous marchands de grains des marchés de cette ville et d’en empêcher l’approvisionnement, d’autoriser le peuple en toute autre circonstance à se mutiner et à mépriser toutes les règles, ne paraissent pas aux soussignés de nature à être oubliées, et les laissent dans l’embarras de trouver le moyen d’y remédier et d’en prévenir les suites, pourquoi ils en ont dressé le présent procès-verbal pour servir ce que doit... »
La Cour souveraine de Lorraine et de Barrois s’empressa de prévenir le retour de tels désordres ; le 18 juin, un détachement de cavalerie commandé par Nicolas Valdajol, vint occuper la ville et sans doute aider à la répression ; pourtant les archives sont muettes à cet égard et nous ne savons si celle-ci fut sévère, comme dans bien d’autres endroits.
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