• Femmes idéales

    © Musée égyptien de Berlin / Louvre / National Gallery of art de Washington / Musée des Beaux Arts d'Anvers / Collection particulière / DR
     

    Blonde pulpeuse, nymphette diaphane, bourgeoise vertueuse... Les canons de beauté n'ont cessé d'évoluer au cours des siècles. Marylin Monroe aurait-elle été une beauté dans l'Antiquité ? Apprécierions-nous la femme idéale du XVIIe siècle ?

      

       
    Vénus de Willendorf
     
    Vénus de Willendorf, 25 000 avant J.C. © Musée d'Histoire naturelle de Vienne
     
    Vénus : la beauté synonyme de survie

    De nombreuses Vénus (environ 250) datant du Paléolithique (3 millions-12 000 avant J.C.) ont été découvertes en France et dans tout le reste de l'Europe. Sculptées dans l'ivoire, l'os ou encore la pierre, ces statuettes constituent les premières représentations de la femme aujourd'hui connues. Elles ont de nombreux points communs : courtes silhouettes, visage souvent sans traits, seins, ventre, fesses, cuisses hypertrophiées. A l'inverse, les mains, pieds, membres supérieurs et, à un degré moindre, les jambes sont négligées. La fonction exacte des ces Vénus n'est pas connue. Certaines présentent un trou de suspension et devaient donc être utilisées comme objets de parure. D'autres ont été trouvées dans un contexte rituel. L'aspect des Vénus pourrait laisser à penser qu'il s'agirait d'idoles de la fécondité et de symboles de la fertilité : beauté et survie sont étroitement associées dans les premières représentations de l'idéal féminin.

      

      

    Un visage délicat : la femme au bandeau.
    La première représentation de visage humain connue est celle de la “Dame de Brassempouy”, du nom

    Dame de Brassempouy
     
    Dame de Brassempouy, 25 000 avant J.C. © Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye

     du village des Landes où la statuette d'ivoire a été retrouvée. Datant du Paléolithique supérieur (25 000 avant J.C.), comme de nombreuses Vénus, cette pièce fine et délicate constraste avec les autres représentations féminines de la même période. Cet objet minuscule, haut d'environ 3 centimètres, a été retrouvé au milieu d'autres statuettes dans la "grotte du Pape" de Brassempouy. Seul visage parmi toutes ces représentations, il présente des arcades sourcilières, un nez et un menton bien en relief. Le profil est fin, plus proche, à première vue, de celui d'une demoiselle médiévale que des visages sans traits des Vénus. La tête et le cou sont recouverts de lignes croisées : longtemps interprétés comme une capuche, ces détails représentent plus probablement une chevelure tressée.

     

    » Secret de beauté : Les femmes, pendant la Préhistoire, avaient les cheveux crépus. C'est vraisemblablement pour faciliter le soin de leurs cheveux qu'elles avaient recours au tressage

     

     

     
     
     
     
     

    Les canons égyptiens

     Buste de NéfertitiBuste de Néfertiti, 1 500 avant J.C.

    © Musée égyptien de Berlin

    Depuis les débuts de la civilisation égyptienne, la femme est représentée suivant des canons relativement stables. Parmi les femmes célèbres pour leur beauté, on peut citer Ahmes-Nefertari, épouse d'Ahmes et mère d'Aménophis Ier. Ahmes-Nefertari faisait l'objet d'un culte de la personnalité et d'un culte divin : les statues la représentent comme une beauté africaine élancée, mince et musclée, aux jambes longues et aux fesses rebondies, aux seins menus et à la taille large. Elle est souvent vêtue d'une robe de lin laissant paraître ses formes par transparence.  La représentation du visage dans l'art obéit à des règles précises, comme on peut le voir sur le fameux buste de Néfertiti. La peau est peinte en ocre jaune et non en rouge, comme c'est le cas pour les hommes : la femme, qui veille sur la maison, est à l'abri des rayons du soleil. L'œil, souvent exagérément ouvert, est souligné d'un trait de khôl qui intensifie le regard. Enfin, la femme idéale égyptienne est éternellement jeune.

    » Secret de beauté : Pour hydrater leur peau, les femmes égyptiennes utilisaient de l'huile d'amande amère, de laitue, de cumin ou encore de lys.  

     

    La Beauté grecque, presque androgyne.

    Vénus de Milo
     
    Vénus de Milo, 130-90 avant J.C. © Musée du Louvre
     

    Pendant la période archaïque (VIIe-VIe siècles avant J.C.), les statues ne représentent jamais de personnes réelles : elles s'attachent, au contraire, à un idéal de beauté, de piété, honneur ou sacrifice. Cet idéal est alors incarné par un jeune homme, entre l'adolescence et l'âge adulte. Les femmes, quant à elles, sont drapées dans des tuniques laissant voir la forme de leur corps aussi athlétique que celui des hommes. En effet, à cette époque, la beauté réside dans l'harmonie du corps et non dans un quelconque artifice : seul l'exercice physique peut permettre d'obtenir le corps musclé adéquat. Ce n'est qu'à partir du Ve siècle que la statuaire s'attache à représenter également de vraies personnes. C'est le sculpteur Praxitèle qui fait accepter pour la première fois le nu féminin. Il présente une image érotique et féminine de la femme, et s'inspire, pour ses sculptures d'Aphrodite, des courbes et du visage de Phryné, célèbre courtisane de l'époque.

     

    » Secret de beauté : Si l'idéal féminin était très naturel, cela n'empêchait pas les femmes de se peindre les lèvres avec de la terre rouge, de s'appliquer du safran sur les paupières et du noir de fumée sur les cils et les sourcils.

     

     

    Le Moyen Âge : l'âge des jeunes filles nubiles

    Vierge à l'enfant
     
    , 1450©
    Vierge à l'enfant, Fouquet, 1450 © Musée des Beaux Arts, Anvers
    sée des Beaux Arts, Anvers
     

    L'interdiction du maquillage

    Au Moyen Âge, le maquillage, sous prétexte qu'il travestit les créatures de Dieu, est interdit par l'Eglise toute puissante. Une seule couleur est tolérée, "le rouge de la pudeur". La Vierge Marie est alors généralement représentée comme une statue sans aucune féminité : la statuaire romane la présente comme un simple support ayant le Christ dans ses bras. La Vierge à l'enfant que l'on peut ici observer est une exception : il s'agit en fait d'un portrait d'Agnès Sorel, maîtresse du roi Charles VII (1403-1461), travestie en Vierge. On peut remarquer son teint très pâle : symbolisant la pureté, mais aussi la richesse et l'oisiveté, la blancheur de la peau est alors très recherchée. Agnès Sorel s'est également épilé le front : une manière de conserver un visage aussi juvénile que possible et de mettre le regard en valeur.

      

     

    Le Moyen Âge : l'âge des jeunes filles nubiles

    Polyptique de la vanité
     
    Polyptique de la vanité, Hans Memlin, 1440 © Musée des 
    Beaux Arts de Strasbourg
     

    La nymphe médiévale

    Généralement dissimulé sous des vêtements amples, le corps doit obéir à des canons très particuliers. La jeunesse, encore une fois, est exaltée : la femme se doit d'être large d'épaule et d'avoir des seins petits, fermes et écarté, une taille de guêpe, des hanches étroites et un ventre rebondi. La blondeur est également exaltée.

     

     

    » Secrets de beauté : Les femmes de l'époque s'appliquaient un mélange de chaux vive et de sulfure naturel d'arsenic sur le front pour l'épiler. Pour empêcher la repousse du poil, rien ne valait le sang de chauve-souris ou de grenouille...

     
     
     

    La Renaissance : le retour de la féminité

      
     
    Gabrielle d'Estrée et sa soeur
     
    Gabrielle d'Estrée et sa sœur © Musée du Louvre©
     

    La sophistication à l'honneur

    Sous le règne de Catherine de Médicis, la France découvre les fards, importés d'Orient. Désormais, à la Cour de France, on se maquille les yeux, les cils et les sourcils à l'antimoine noir ; on porte du vermillon sur les lèvres, les ongles et les joues. On va jusqu'à se rougir le bout des seins. Le teint diaphane est toujours de mise. Les courtisanes de Venise, considérées comme les plus belles femmes, véhiculent une nouvelle idée de la femme idéale, qui doit désormais être pulpeuse, avoir le teint pâle et les cheveux d'or (le fameux blond vénitien).

      

     

    » Secrets de beauté : Pour obtenir le blond vénitien, les femmes de la Renaissance s'enduisaient la chevelure d'un mélange de safran et de citron, puis restaient au soleil la tête couverte d'un chapeau sans calotte, pour se protéger le visage.

      

    La Renaissance : une femme charnelle

    Du corps idéalisé...

    Pendant la Renaissance, le corps féminin réapparaît dans l'art non-religieux. Il est encore une fois idéalisé. Les femmes des tableaux de Raphaël et de Botticceli se tiennent dans des postures peu naturelles, qui rappellent le déhanché des statues antiques grecques.

    La Naissance de Vénus
     
    La Naissance de Vénus, Sandro Botticelli, 1485 © Galerie des Offices, Florence

    Quant à la Vénus de Botticelli, elle a tout de la statue : d'une blancheur d'ivoire, sans le moindre poil ni bourrelet, elle est l'archétype de la beauté de marbre. Une divinité plus qu'une femme, au corps entièrement idéalisé. Beaucoup d'éléments ne tiennent pas compte des règles de l'anatomie : le cou est étrangement long, les épaules trop tombantes et le bras gauche est bizarrement attaché au reste du corps. Les artistes de l'époque transforment la réalité pour mieux se rapprocher de leur conception de l'idéal féminin.

     

    L'Enlèvement des filles de Leucippe
     
    L'Enlèvement des filles de Leucippe, Rubens, 1618 © Pinacothèque de Munich
     

    ... A la femme appétissante

    Mais un glissement réaliste s'opère dans l'art de la Renaissance. Les aristocrates et mécènes qui admirent les beautés froides de Raphaël, aiment également les rondeurs des femmes chez du Titien ou de Rubens. Cuisses dodues, poitrines lourdes et embompoint appétissant : Rubens incarne ce glissement vers un art sensuel, un appel aux sens et au désir du spectateur.

     

    » Secrets de beauté : Au XVIIe siècle, les femmes ne se lavent guère : elles s'asphyxient la peau en la recouvrant de couches de maquillage et se frottent le corps avec des linges parfumés

     

     
     
     
    Madame de Montespan
     
    Portrait de Madame de Montespan, Anonyme 
     

    Pendant le Siècle classique, la beauté correspond à des canons très précis. C'est l'heure du jardin à la française, de la domestication du naturel et du culte de la sophistication. On demande aux femmes d'avoir un teint de lait, une taille très fine, une poitrine imposante, des bras et des mains potelés. Les femmes se fardent de rouge, symbole de l'amour et de la sensualité, et vont jusqu'à accentuer leurs veines pour souligner leur délicatesse et leur haut lignage. Madame de Montespan incarne parfaitement la femme idéale d'alors, comme on peut le voir sur ce tableau d'époque. Le corps est enfermé dans un corset enserrant impitoyablement la taille et faisant ressortir le profond décolleté, la peau est pâle et les lèvres d'un rouge profond.

     

    » Secrets de beauté : Pour se protéger du soleil, les précieuses de l'époque n'hésitent pas à se promener avec un masque sur le visage... qu'elles tiennent avec leurs dents.

      

    Marie-Antoinette à la rose
    Marie-Antoinette à la rose, E. Vigée Lebrun, 1783 © Musée du Château de Versailles
    Le naturel avant tout

    Pendant le XVIIIe siècle, Siècle des Lumières, s'opère une révolution des idées qui touche à tous les domaines, et notamment à celui de la beauté. Après les excès du XVIIe siècle, structures en bois rendant les hanches plus larges que les épaules et perruques immenses, l'heure est à un retour au naturel. On se maquille moins : la femme idéale de l'époque doit avoir un teint de porcelaine aussi naturel que possible et les lèvres douces. Bien que bouclés et poudrés, les cheveux adoptent un style savamment "décoiffé". La femme n'est plus une beauté statique engoncée dans des costumes trop étroit pour elle. Les tableaux de Fragonard présentent une beauté en mouvement : dans un cadre naturel, les femmes s'ébattent joyeusement, et, au détour d'un jeu, dévoilent une cheville ou une partie de leur corps.

    Marie-Antoinette en chemise
    Marie-Antoinette en chemise , E. Vigée Lebrun,1783 © Collection privée

    Un courant philosophique

    Les réflexions de Rousseau sont emblématiques de ce retour à la nature. Mais l'auteur des "Rêveries du promeneur solitaire" n'est pas le seul : dès la fin du XVIIe siècle, le docteur Tronchet incite les femmes à s'ébattre dans la campagne, en tenue "simple", jupes courtes et talons plats, tandis que l'Abbé Prévost exalte dans ses romans l'image de la beauté de la campagne, saine et naturelle. Comme on peut le voir sur ces deux portraits de Marie-Antoinette, ces réflexions gagnent également la Cour. Au Petit Trianon, la reine délaisse les corsets et les coiffures sophistiquées : en témoigne la "chemise" dans laquelle elle pose pour Elisabeth Vigée-Lebrun.

    » Secrets de beauté : Les femmes de l'époque avaient pour habitude de se coller des mouches, faux grains de beauté en velours, sur la peau.

      

     

     

    Madame Moitessier
     
    Madame Moitessier, Ingres, 1851 © National Gallery of Art, Washington
     
    La petite molle, soumise, idéal bourgeois

    Après la Révolution française, plus de perruque poudrée, de mouche ou de rouge aristocratique. Pendant ce siècle, deux types de femmes se partagent le devant de la scène : la belle malade et la petite bourgeoise. Cette période porte aux nues la vertu et la féminité accomplie, celle de l'épouse vertueuse. Bien en chair, brune, le corps laiteux, cette femme incarne la beauté dans son aspect le plus lisse et le plus codifié. La Castiglione, lourde et massive, est ainsi considérée comme l'une des plus belles femmes du Second Empire. La corpulence est le signe d'une maternité satisfaite. Elle est renforcée par des faux-culs et des corsets portant la poitrine en avant. Plus vertueuse que désirable, Madame correspond à un canon de beauté concret, auquel s'oppose l'autre stéréotype dominant, celui de la belle malade aux yeux cernés...

     

    » Secrets de beauté : Au XIXe siècle, le maquillage est déconseillé. On découvre enfin les bienfaits de l'eau pour se nettoyer la peau

     

    Sapho
     
    Sapho, Charles Mengin, 1877 © Manchester art gallery
     

    Le second modèle à l'œuvre, au XIXe siècle, est celui de la féminité maladive. Il s'agit aussi bien d'une malade des nerfs, dont le déséquilibre confine à la folie et dont la figure emblématique pourrait être Camille Claudel, qu'une malade du corps, telle Marguerite Gauthier, tuberculeuse magnifiée par Alexandre Dumas dans "La Dame aux camélias". Cette beauté a le teint livide, les yeux cernés et les joues creuses. Signes de mélancolie et de désespoir, ces physiques correspondent à une femme mystérieuse, lointaine, fantasmée. Cette beauté correspond au dandysme chez les hommes : il s'agit d'un manifeste esthétique et social en opposition avec le modèle bourgeois dominant.

     

    » Secrets de beauté : Les femmes au XIXe siècle ont l'habitude de boire du vinaigre et du citron pour se brouiller le teint et dorment peu pour se faire des cernes sous les yeux.

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