• ILS ONT DIT NON A PETAIN...

    ils ont dit non à Petain
      
    Laval a décidé d'en finir avec la République, en convoquant les parlementaires à Vichy. Il agite les préfets, les gendarmes, la presse et même la radio ; viendront-ils ? La première surprise de juillet est la présence à Vichy d'un grand nombre de députés et de sénateurs. Ceux de la zone libre viennent presque tous, en train, en autocar, en voiture particulière. 
      
    Les Bretons se regroupent, à quatre ou cinq par automobile. Si les Parisiens ne sont pas plus nombreux, c'est que la représentation de la capitale incluait en 1936 un grand nombre de députés communistes qui ont été déclarés déchus de leurs droits civiques par le gouvernement Daladier. Seuls ont été maintenus au Parlement ceux (treize au total) qui ont accepté de renier la politique du parti. 
      
    Ceux-là sont présents, comme le sénateur Clamamus ou le député-maire d'Oyonnax René Nicod. Manquent à l'appel ceux qui sont morts au front, comme le socialiste Léo Lagrange ou le croix de feu Félix Gras, tué à la tête d'un corps franc. Ou encore les prisonniers de guerre, les infirmes et les vieillards, les introuvables, les indifférents, ceux qui refusent de cautionner par leur présence un vote contre la Constitution.Les autres, ceux qui ont pris le chemin de Vichy, acceptent en majorité l'idée d'une révision des actes constitutionnels de 1875. Ils entrent dans le jeu de Laval, ils considèrent comme un devoir d'immoler le régime sur l'autel de la défaite.
             
    La séance préalable du 9 juillet comble d'aise Laval : seuls quatre parlementaires ont refusé de voter le lendemain pour une révision constitutionnelle. Laval dort tranquille : l'opposition des sénateurs anciens combattants, dirigée par Jean Taurines et Joseph Paul Boncour, a tourné court. Ils voulaient modifier le texte de l'article unique que proposait Laval, donnant pleins pouvoirs constitutionnels à Pétain. Ils exigeaient une limite dans le temps (jusqu'à la paix, par exemple) et un contrôle des textes par une sanction populaire.
      
    Laval ne voulait pas s'embarrasser de ces contraintes. Le maréchal devait recevoir les pouvoirs absolus d'une dictature sans limite, et installer sans contrôle un régime qui fût comparable à ceux des pays fascistes. Les sénateurs gênaient. Ils croyaient naïvement qu'en étant reçus par le maréchal, ils pourraient obtenir de lui des promesses. Pétain avait fini par les recevoir, par leur demander un contre­projet qu'il faisait mine d'approuver.
      
    Mais il les avait renvoyés à Pierre Laval. Ce dernier les berce de bonnes paroles, feint de faire des concessions, promet une sanction de la constitution nouvelle par les chambres qu'elle aura créées. Quand ? Cela n'est pas précisé. Il n'importe : l'opposition des sénateurs anciens combattants est désarmée.
             
    Même désinvolture de Laval à l'égard de Pierre-Etienne Flandin, ancien président du Conseil qui vient de sa circonscription d'Auxerre. « Quel besoin y a-t-il de changer la constitution ? dit-il. Rien de plus simple que de demander au président de la République de donner sa démission et de nommer ensuite le maréchal Pétain président de la République ». Les parlementaires approuvent cette solution qui semble marquée au coin du bon sens.
             
    Je me rallie à ton projet si tu m'apportes la démission de Lebrun, assure Laval.
    Je ne vois pas pourquoi je donnerais ma démission, répond le président Lebrun, consulté. Une nouvelle tentative de résistance vient d'échouer : en démissionnant, Lebrun aurait sauvé non la République, mais la forme républicaine. Il a cru que son devoir était de rester là et d'attendre. Il a été encouragé dans cette attitude par les présidents du Sénat et de la Chambre, Jeanneney et Herriot.
    Jules Moch
    Tout est prêt pour l'hallali. Herriot se borne à un baroud d'honneur, demandant pleine justice pour les passagers du Massilia, ce que Laval lui concède bien volontiers, affirmant qu'il n'en est pas responsable. Laval réussit à imposer aux députés, contre de menues concessions, que le maréchal Pétain sera chargé non seulement de l'exécutif mais du législatif. 
    Léon Blum
    Quel sera le rôle des Chambres que Laval affirme vouloir maintenir ? Personne ne pose plus de questions. A 18 h 50, quand on passe au vote dans la salle du grand casino de Vichy le résultat semble acquis d'avance : Laval s'attend à une écrasante majorité. Quand on dépouille le scrutin, on s'aperçoit avec étonnement que quatre-vingts députés et sénateurs ont voté contre. C'est la surprise du 10 juillet.
    D'où viennent-ils, ces quatre-vingts qui ont dit non ? De tous les bords des assemblées, de toutes les régions de France.
      
    Toutes les familles politiques sont représentées : trente-six socialistes (sur 146), treize radicaux de la Chambre (sur 116) et 14 du Sénat, six députés du petit groupe de la Gauche indépendante, souvent démocrates. Deux députés de la droite classique, Lecacheux et Bonnevay, votent non. Même les dissidents communistes étaient représentés dans les quatre-vingts. Les départements d'origine des non fournissent-ils une indication sur les mot­vations des parlementaires ?
      
    On pourrait le croire en constatant qu'un seul département de Bretagne, le Finistère, est engagé dans le refus avec sept voix contre : en fait il n'y a pas de communauté d'esprit entre un radical laïque de Brest et un démocrate-chré tien venu de Quimper, encore moins avec le bouillant lieutenant de dragons, le Morlaisien Tanguy-Prigent, qui finira la guerre à la tête de deux cents maquisards. 
             
      
    Il serait illusoire de vouloir réduire les parlementaires résistants à ceux qui ont voté non, ils sont le premier témoignage métropolitain de résistance, une résistance parlementaire. On avait beaucoup parlé, à Bordeaux comme à Vichy, de l'honneur de l'armée. Les quatre-vingts ont montré, quand il y avait du courage à la faire, qu'il pouvait y avoir un honneur du Parlement. 
           
    Au rang des parlementaires qui ont dit non :
    Jules Moch député de l'Hérault ( à gauche ) et Léon Blum député de l'Aude ( à droite ).
     
      
      
     
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