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l'ARGOT ou le langage FAMILIER
par F. Ruymen
Pourquoi l’argot ?
Même si nous, profs de français, sommes censés enseigner la belle langue française, grammaticalement correcte et scrupuleusement fonctionnelle, on ne peut ignorer qu’il existe un « autre » français. Un français quotidien qui, à mon avis, est indispensable pour quelqu’un qui veut rentrer en contact avec des francophones ou avec un certaine culture francophone, que ce soit la chanson ou le cinéma. N’encourageons-nous pas nos étudiants à lire des livres (contemporains), écouter la radio, regarder la télévision ? Peut-on regarder un film français contemporain sans comprendre l’argot ? Donnons à nos étudiants les bases de l’argot, du français populaire afin qu’ils ne passent par pour des « ringards » !
Quel argot ?
Il s’agit évidemment de faire un choix parmi la multitude de vocables répertoriés dans des dictionnaires spécialisés. Les mots et expressions que je proposerai ici sont un choix subjectif, qui peut être étendu ou limité. Je proposerai plusieurs supports , pouvant contenir d’autres mots. C’est à l’enseignant de faire un choix selon le niveau et les centres d’intérêt, voire l’âge de son public.
Littérature :
- « Rajeunissez votre français », Alice Vergne-Rudio, Editions Nordial – 1990
Assez complet et une vraie source d’inspiration pour qui veut aller plus loin dans l’argot de tout le monde.
- « L"argot" , Louis-Jean Calvet, Que sais-je, Presses Universitaires de France – 1994
Ouvrage plutôt scientifique qui retrace l’histoire, l’origine et la structure de l’argot
- « Le vrai langage des jeunes expliqué aux parents (qui n"y entravent rien) », Eliane Girard et Brigitte Kernel, Albin Michel - 1996
Le dernier ouvrage reprend surtout le verlan et les expressions contemporaines, mentionnant également les versions 70 et 50, afin de démontrer l’évolution du langage familier.
Comment l’enseigner ?
En ce qui concerne la didactique je propose, en premier lieu, de confronter les étudiants avec une série de phrases contenant des expressions argotiques. L’exercice consiste à déduire le sens des mots populaires à l’aide du contexte. Ils reconnaîtrons certainement quelques mots couramment employés. Dans un deuxième temps j’explique les différentes techniques utilisées par les jeunes afin de rendre leur langage incompréhensible, parce que c’est de cela qu’il s’agit.
En guise de document authentique, on pourra analyser une chanson du chanteur français Renaud et/ou des extraits de films plus ou moins contemporains. J’ai moi-même utilisé « Dans mon H.L.M., il m"est malheureusement impossible de reprendre le texte ici, à cause des droits d"auteurs. J"ai montré une scène du film « La Haine » qui est une illustration parfaite du langage de la banlieue. Il décrit l’atmosphère lourde et ennuyeuse d’une cité parisienne. Il va de soi qu"il faut prendre le niveau des étudiants en compte puisque les acteurs parlent vraiment très vite.
Chaque professeur est libre d’approfondir l’un ou l’autre aspect ou phénomène de la langue populaire, ou d’adapter la liste proposée ci-dessous parce qu’évidemment ce langage est sujet à des modifications constantes.
Une autre façon un peu plus originale est de présenter la chanson en premier lieu, avec les texte mais sans les explications. Ensuite on passe à la séance de repérage et la partie plus théorique. A la fin du cours, les étudiants réécoutent la chanson, sachant reconnaître à ce moment-là au moins la moitié des mots.
Expérience personnelle
Ayant fait le test dans une de mes classes, j’avoue que cela a été un grand succès. Nous avons eu des rires étouffés , des fous rires et des questions sérieuses. Apparemment certains étudiants s’y connaissaient pas mal en argot, et étaient très contents que ce sujet soit traité en classe. J’ai moi-même appris certaines expressions en faisant ce cours, parce qu’évidemment c’est un vocabulaire inépuisable ! La chanson s’est avérée un peu longue mais c’était une des moins choquantes de Renaud !
Repérage
- Je suis dans la dèche / fauché, je n’ai même pas de sous pour m’acheter des clopes. Peux-tu me prêter un peu de fric ?
La dèche : manque d’argent Etre fauché : ne plus avoir d’argent
Des sous : de l’argent
Une clope : cigarette (à l’origine : mégot de cigarette)
Le fric / le pognon / le blé : l’argent
- Arrête, tu ne penses quand même pas que je vais te donner du blé/pognon, tu ne m’as même pas rendu les 500 balles que tu m’as tapé la semaine passée.
Le fric / le pognon / le blé : l’argent Balles : des sous, des francs (à utiliser combiné avec un chiffre)
Taper : emprunter de l’argent à quelqu’un
- Tiens donc, tu en as des fringues ! Regarde cette jupe et ce jean ! Elles sont belles ces godasses, c’est quelle pointure ? 38, tu me les prêtes ?
Des fringues : des vêtements Une godasse : une chaussure
- Cool, tu changeras de look, ce sera en tout cas moins ringard que ce que tu as sur le dos !
Cool : agréable, détendu, chouette Relax : détendu
Ringard : démodé ou médiocre
- T’as vu le mec, là-bas avec sa tignasse rouge, il est mignon !
Un mec : un homme, un individu, un type Une tignasse : chevelure, cheveux
- Ah non, je n’aime pas sa tronche, t’as pas vu son pif ? En plus il a une nana, je peux pas la sentir.
Un pif : une nez Une nana : une fille , une gonzesse
- Ecoute, le gosse est malade, il faudrait appeler le toubib.
Un gosse / un môme : un enfant Un toubib : un médecin
- Ah ces mômes, ils nous coûtent la peau des fesses, en plus ils chialent sans arrêt !
Chialer : pleurer (vulgaire et méprisant) - Tu viens avec nous, on va au cinoche, puis on va se bourrer/ se prendre une cuite. Et après on va s’éclater en boîte. Pierre, le copain de Sylvie, prend sa bagnole, il va venir avec ses potes, mon frangin sera également de la partie et Sophie avec son Jules.
Le cinoche : le cinéma
Se bourrer / se prendre une cuite : se saouler, boire beaucoup, trop
S’éclater : se défouler, s’amuser sans retenue
Une bagnole : une voiture
Un pote : un ami, un copain
Un frangin / une frangine : un frère, une soeur
Jules : amant, amoureux, mari
- J’veux pas d’emmerdes avec les flics. Les poulets sont partout. Je ne viens pas.
Des emmerdes : des problèmes Un flic : un policier
Un poulet : un policier
- Laisse beton, tu racontes des salades/ conneries. Allez viens, on se casse.
Laisse beton : laisse tomber (verlan) Raconter des salades / conneries : raconter des bêtises
Se casser : s’en aller, partir
- Putain alors, ma bagnole est encore en panne, ça me fait chier. Je ne pourrai pas sortir ce soir, à moins de prendre la guimbarde de mes parents. Mais si un chauffard me rentre dedans, je suis dans de beaux draps ! On prend ta bécane ? S’il ne pleut pas évidemment !
Putain : zut (expression de surprise ou de colère considérée comme très vulgaire par beaucoup de gens mais très couramment employée), à l’origine : une pute, une prostituée Une bagnole : une voiture
Chier : faire chier quelqu’un : l’embêter ; se faire chier : s’embêter ; c’est chiant
(vulgaire mais courant !)
Une guimbarde : vielle automobile délabrée
Un chauffard : mauvais conducteur
Une bécane : bicyclette ou mobylette
- Je peux venir pieuter chez toi ce soir ?
Pieuter (se) : se coucher - Ben quoi, et ta piaule alors, qu’est-ce qu’il lui manque ? Pas question, je me mettrai le proprio sur le dos. T’as qu’à aller crécher ailleurs. Démerde-toi !
Une piaule : une chambre Le proprio : le propriétaire
Crécher : habiter, loger
Se démerder : se débrouiller
- Hé, les potes, on va prendre une chope au bar ?
Un pote : un ami, un copain Une chope : une bière
- Non, je crève de faim, je veux bouffer d’abord.
Bouffer : manger - Alors, on va au « Café du sport », la bouffe est bonne et Jean y fait la plonge.
Faite la plonge : faire la vaisselle - Non, je ne rentre pas dans ce boui-boui, ça pue le poisson et la bouffe est dégueulasse. Si on aller se goinfrer au resto chinois du coin ?
Un boui-boui : un restaurant de dernière classe Dégueulasse : mot assez vulgaire que l’emploi a rendu presque banal : dégoûtant
Se goinfrer : manger avec excès et salement
Un resto : un restaurant
- Allez, tu viens ?
- Ecoute, fous-moi la paix, j’suis crevé, j’ai un coup de pompe.
Fous-moi la paix : laisse-moi tranquille Avoir un coup de pompe : être fatigué soudainement
- Moi, par contre, j’ai la pêche, c’est la forme.
Avoir la pêche : être en pleine forme, se sentir bien - Y’a pas le feu, on ne peut pas y aller plus tard ? En fait, elle est nulle ton idée, c’est vachement con.
Nulle : qui ne vaut rien Vachement : très (s’utilise dans des situations très variées)
Con : stupide
- Oh, t’es casse-pieds, j’en ai plein le dos/le cul de ta mauvaise humeur. Fous le camp, j’veux plus te voir !
Etre casse-pieds : être agaçant, embêtant - Ca va, j’ai pigé, je me casse, salut !
En avoir plein le dos/le cul : en avoir marre/ assez Foutre le camp : s’en aller, partir
Piger : comprendre
Se casser : s’en aller, ficher le camp, partir
Analyse des techniques utilisées
- Le franglais
Malgré les tentatives de l’Académie Française de bannir le vocabulaire anglais de la belle langue française , aussi bien le monde des affaires que les jeunes ont tendance à emprunter des mots à l’anglais, prononcés à la française, d’ou le terme fran-glais.
Citons comme exemple : le joint, un must, le walkman (il existe un équivalent français : un baladeur), cool, relax.
- Les abréviations
Phénomène très courant en français parlé, il consiste à priver le mot de sa dernière syllabe. Sympathique devient sympa, restaurant devient resto. D’autres exemples : manif, appart,
J’ai trouvé un article qui prend à la loupe cette pratique de façon amusante : « Le petit déj et l"info à 7 heures du mat ». Il s’agit d’un article paru dans Le Figaro et édité dans Reprise.
- Le verlan
Les verlan est la preuve même de la volonté de créer une langue secrète. Le principe semble simple : inverser les syllabes du mot, donc le prononcer à l’envers (ver-lan). Dans la pratique par contre, il ne va pas de soi de reconnaître les mots. Le verlan est surtout populaire dans la banlieue parisienne. Limitons-nous à quelques exemples, parce que ce phénomène linguistique est très sujet à la mode. On a ainsi commencé à renverser les mots à nouveau, frisant l’incompréhensible.
Keum < mec
Beur < arabe
Zarbi < bizarre
Laisse beton < laisse tomber
- Structure de la phrase
En langage parlé, on brade dans les mots et dans les syllabes. Ainsi le « ne » de la négation disparaît dans la plupart des cas. Les e muet et de nombreuses autres voyelles sont supprimés : J’veux, t’as vu,… Attirez l’attention des étudiants sur les nombreuses omissions dans le texte de la chanson de Renaud.
Explication du vocabulaire de la chanson « Dans mon H.L.M. »
Renaud : « Ma compil » , vous y trouverez le texte intégral
Un H.L.M. : une habitation à loyer modéré, dans la banlieue
Barbouze : agent secret
Un Beretta : une marque de revolver
Chouraver : voler, chiper
Un pinard : un vin rouge ordinaire
Un peigne-cul : un homme mesquin, ennuyeux ; grossier, inculte
Cogner : taper
Givré : fou
Blême : pâle, il ne s’y passe rien
Costard : un costume d’homme
Alpaga : un tissu mixte de bonne qualité
Une loggia : un balcon spacieux, souvent couvert, fermé sur les côtés
La sciure : des déchets de bois pour mettre dans le bac des chats
Un contribuable : qui paie des contributions
Centriste : indique la couleur, conviction politique
Allumé : fou, illuminé
Instit’ : instituteur
Furax : furieux
Un boucan : du bruit
Un huissier : un talbin...Officier ministériel chargé de signifier les actes de procédure et de
mettre à exécution les décisions de justice et les actes authentiques ayant
force exécutoire
Débouler : descendre précipitamment
Un conasse : féminin de con, conard
Bosser : travailler
Décoloré : qui a perdu sa couleur (ici des cheveux – ils n’ont plus leur teinte naturelle)
Ramollir : rendre mou, faire perdre sa forme
Foutre : faire, ficher, fabriquer
Une plombe : une heure
Pi : puis
Un loubard : Jeune homme vivant dans la banlieue, appartenant à une bande et
affectant un comportement asocial
Un survêtement : vêtement de sport ou de détente composé d’un blouson et d’un
pantalon.
sources : http://www.vub.ac.be/khnb/itv/oktober/maa99/fr99-03.htm
Tags : francais, mot, l’argot, langage, chanson
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Commentaires
1laloui souMercredi 21 Mai 2014 à 18:11je vous remercie pour ces explications, moi aussi j'ai fait une leçon pareille à mes élèves et ça a réussi à merveille
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Bonsoir Madame,
Merci pour votre message. L'argot est une langue.. ancienne déjà.. qui se perd au fur et à mesure, remplacée par un langage châtié.. particulier d'une époque..
A bientôt.
Merci
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