• la Russie - L'échec de l'Empire constitutionnel ( 3 )

    L'échec de l'Empire constitutionnel,

    Le Manifeste d'octobre 1905,

    et les Lois fondamentales d'avril 1906.

    Le Manifeste d'octobre 1905,

    Ivan L. Goremykine

     

    « J’ai signé cette déclaration à cinq heures. Après une semblable journée je ressens le poids de mes responsabilités et mes pensées sont confuses. Oh Seigneur ! aide nous et sauve la Russie et la paix ! » .

    La première révolution russe contraint Nicolas II à des concessions arrachées par son ministre Serge Witte. Nicolas II promulgue le manifeste du 17 octobre, le nom officiel est Le Manifeste sur le perfectionnement de l'ordre de l'État (russe : Манифест об усовершенствовании государственного порядка. Il s'engage à accorder des libertés civiques au peuple, dont :

    • la (très importante pour les minorités protestantes, catholiques, juives, musulmanes et bouddhistes) liberté de culte
    • la , liberté de parole
    • la , liberté de réunion
    • la , liberté d'association
    • l'institution d'une d'Empire, élue au suffrage semi-universel qui va avoir le pouvoir d'approuver les lois. La est le nom emprunté à l'ancien conseil des tsars moscovites, afin de signifier que l'organe créé en 1905 ne repose que sur la volonté du tsar. DoumaDouma
    • une amnistie pour tous les délits et crimes commis avant la proclamation du Manifeste.
    • une promesse aux populations non russes du respect des libertés et le droit, pour chaque nationalité, d'utiliser sa propre langue.
    • un premier ministre avec des pouvoirs étendus.

    Il comporte un décret selon lequel aucune loi n'entrera en vigueur sans le consentement de la Douma. Le manifeste a été précurseur de la première constitution russe de 1906. En réalité, le manifeste n'entraîne pas un accroissement significatif des libertés ou de la représentation politique pour le Russe moyen. Le tsar continue d'exercer son droit de veto sur la Douma, et il va la dissoudre plusieurs fois. Nicolas II ne pense pas que les rapports avec les peuples dominés doivent être modifiés.

     

    L'empereur, l'impératrice et leurs deux filles aînées, Olga et Tatiana.

     

    Les libéraux estiment qu'ils ont obtenu satisfaction sur l'essentiel, mais sont divisés sur la stratégie à adopter : l'aile droite forme le mouvement octobriste, emmené par Alexandre Goutchkov et s'affirme prête à collaborer loyalement avec le gouvernement tandis que l'aile gauche, emmenée par l'historien Milioukov et le Parti constitutionnel démocratique (K.D.) fait du parlementarisme à l'occidentale, un idéal que la Russie doit prochainement atteindre. Les radicaux considèrent ces concessions comme insuffisantes : les Socialistes révolutionnaires et les bolcheviks refusent de participer à une Douma sans pouvoir réel et appellent à la poursuite du mouvement révolutionnaire, relayés par le Soviet de Saint-Pétersbourg. Les ouvriers de la capitale, épuisés par une année de luttes, répondent mal à l'appel lancé par le Soviet, dont le gouvernement fait arrêter les membres mais, à Moscou, les ouvriers prennent les armes et le pouvoir doit utiliser l'artillerie pour écraser le soulèvement.

    Le 27 avril 1906, le tsar est à l’origine de la Loi fondamentale de l'État, sorte de constitution, qui transforme la Russie dans une monarchie constitutionnelle mais non parlementaire, les ministres ne dépendants que de l'empereur. En outre, la Douma se trouve rapidement en complet désaccord avec le tsar, celui-ci change alors la loi électorale, en diminuant considérablement le poids électorale à la majorité du peuple par rapport à celui des classes aisées et faussent ainsi largement le suffrage universel.

    Le 3 mai 1906 Nicolas II accepte la démission de premier ministre Serge Witte aux tendances relativement progressistes ainsi que de son gouvernement et le remplace par le très conservateur Ivan Goremykine, assisté de Piotr Stolypine comme ministre de l’Intérieur qui conserve ses fonctions de gouverneur de Saratov.

    L'année suivante, la répression met fin à la vague de grèves. Le nouveau premier ministre Stolypine ne cherche pas à gagner la confiance du prolétariat et se contente d'une loi sur les assurances et les maladies, mesure peu populaire, car elle exige une participation ouvrière aux cotisations.

    Les lois fondamentales (avril 1906)

    Nicolas II n'a cédé qu'à contre-cœur en octobre 1905. Il limite au maximum les concessions octroyées dans les Lois fondamentales, ce qui évite d'utiliser le terme honni de constitution) promulguées en avril 1906, la veille du jour où doit se réunir la première Douma.

    L'empereur conserve le titre d'autocrate (article 4) et garde le contrôle de l'exécutif. Les ministres ne sont pas responsables devant la Douma et relèvent uniquement du souverain), des forces armées, de la politique étrangère (et notamment du droit de déclarer la guerre et de faire la paix) et convoque les sessions annuelles de la Douma (article 9).

    Le pouvoir législatif de la Douma est officiellement restreint : elle n'a pas l'initiative des lois et les lois qu'elle a acceptées passent ensuite devant l'ancien Conseil d'État transformé en Conseil d'Empire et qui tient lieu de chambre haute (article 44). Le gouvernement a la possibilité de légiférer par oukases dans l'intervalle des sessions, à charge de les faire ratifier ensuite par la Douma.

    La période semi-constitutionnelle (1905-1907)


    La salle de la Douma.

    La première Douma ou Douma cadette (mai-juillet 1906)

    Les élections réellement libres sont un succès pour le parti Kadet et le centre gauche. Beaucoup parmi les nouveaux élus prennent leurs fonctions à cœur et s'aliènent immédiatement la couronne en cherchant à établir un régime parlementaire et à imposer une réforme agraire jugée inacceptable par la noblesse tandis qu’ Ivan Goremykine, éphémère premier ministre d'avril à juillet 1906, refuse tout contact avec la Douma. Elle veut aussi la libération de tous les prisonniers politiques et du veto des ministres. Les Russes sont à peine majoritaires (deux cent soixante-dix députés russes pour deux cents non-russes) .

    Piotr Stolypine, nommé nouveau premier ministre par Nicolas II, obtient la dissolution de la Douma. Les députés libéraux et socialistes modérés répliquent en lançant l'appel de Vyborg, appelant à la résistance passive par le refus de l'impôt et de la conscription. Les signataires de l'appel sont condamnés à la prison et déclarés inéligibles non seulement à la future Douma mais aussi aux zemstvos.

    La deuxième Douma ou Douma rouge (février-juin 1907)

    Le gouvernement s'est assuré tous les moyens de pression pour s'assurer des résultats favorables, mais la deuxième Douma s'avère encore plus ingouvernable que la première. Les partis de gauche qui ont renoncé au boycott progressent aux dépens des cadets, dont les leaders sont inéligibles. Les Socialistes révolutionnaires obtiennent 36 députés et les Sociaux-Démocrates 66. Les députés non non-russes sont toutefois moins nombreux . Ils s'opposent à Stolypine par tous les moyens : ce dernier obtient de nouveau de l'empereur la dissolution de la Douma, suite à un prétendu complot fomenté par les sociaux-démocrates.

    Le gouvernement Stolypine (1906-1911)

    En juillet 1906, Nicolas II nomme Stolypine président du Conseil des ministres. Celui-ci se donne deux objectifs : rétablir l'ordre et mettre en œuvre un programme de réformes. Il est le grand artisan de la nouvelle politique russe, qui se veut conservatrice et moderniste. Issu d’une famille de vieille noblesse, il pense que le seul remède à la poussée révolutionnaire est le développement économique du pays.

    La modification de la loi électorale et l'élection de la Troisième Douma

    La modification de la loi électorale a pour but de faire élire une Douma prête à coopérer avec le gouvernement : la représentation paysanne est diminuée de près de moitié, celle des ouvriers réduite de façon draconienne. Le nombre de députés de la noblesse augmente de façon tout à fait disproportionnée étant donné le faible nombre de ses électeurs. Le gouvernement trouve enfin une Douma coopérative, où l'Union du peuple russe (extrême-droite) et les Octobristes sont majoritaires, mais où des bolcheviks sont députés.

    Contrairement à ce qui s'est passé pour les deux premières Doumas qui n'ont duré que quelques mois, la troisième reste en fonction jusqu'au terme légal de la législature, c'est-à-dire jusqu'en 1912.

    La quatrième Douma dure également cinq ans, de 1912 à la révolution de Février 1917.

    La lutte contre le terrorisme

    L'arrivée au pouvoir de Stolypine correspond à une reprise du terrorisme. Les Socialistes révolutionnaires décident en 1906 de frapper un grand coup : la résidence où vit le premier ministre est l'objet d'un attentat particulièrement sanglant (plus de trente victimes, dont deux enfants de Stolypine, sont grièvement blessés). Stolypine est indemne, mais il est convaincu de la nécessité de sévir sur-le-champ. Il décide la constitution de cours martiales ambulantes composées d'officiers sans formation juridique qui procèdent à l'instruction immédiate des dossiers : les jugements sont rendus et exécutés par des militaires, les accusés sont privés d'avocat et du droit d'interjeter appel. Cette justice expéditive et arbitraire, qui fonctionne jusqu'au printemps 1907, prononce des milliers de condamnations à mort (la cravate de Stolypine) ou aux travaux forcés (le wagon de Stolypine). Au temps de Stolypine, la Sibérie gagne trois millions d’habitants, dont des condamnés politiques.

     

    Une réelle tentative de réforme agraire

    Stolypine estime qu'il faut changer radicalement de politique agraire. Il est convaincu que le mir est devenu un ferment de socialisme qui va à l'encontre du droit de propriété et ne permet plus de maintenir l'ordre dans les campagnes. Il entend par conséquent constituer une classe de petits propriétaires privés qui élargirait la base sociale du régime et briserait l'unité corporative de la paysannerie, en calquant l'Occident où les paysans soutiennent politiquement les partis conservateurs.

    Les oukases de 1906, 1910 et 1911 facilitent la dissolution des mirs, afin de permettre le passage de la propriété collective à la propriété individuelle. La législation agraire de Piotr Stolypine, quoique critiquée, est la seule à tenter une modification en profondeur des campagnes et de la condition du peuple russe.

    Leur résultat est très controversé. Les statistiques divergent et vont de 16 à 54% de koulaks sortis du mir selon les auteurs. Les libéraux estiment que cette politique résolue est en train de sauver l'Empire et, avec les années, la réforme aurait atteint son but avec la transformation et la stabilisation des campagnes. Les marxistes pensent que cette réforme a eu une portée très limitée, car elle pèche par l'étroitesse de son champ d'application. Piotr Stolypine est décidé à ne pas confisquer de terres à la noblesse et invite les paysans à repartager les terres qu'ils possèdent déjà. Son aspect est coercitif et provoque l'accentuation des différenciations sociales au sein de la masse paysanne.

    Piotr Stolypine s’emploie à russifier le monde des affaires en favorisant la formation de capitaux russes, le développement des exportations et la mise en œuvre d’une production de plus en plus compétitive. Mais, le 14 septembre 1911, Stolypine essuie un coup de feu, tiré par Dmitri Bogrov, alors qu'il assiste à une représentation à l'opéra de Kiev en présence du tsar et de sa famille. Il meurt quatre jours plus tard. Dmitri Bogrov est présenté comme un juif agissant pour l’extrême-gauche, mais en réalité il appartient à l’Okhrana et a l’ordre de supprimer Stolypine, responsable de la réforme agraire et donc haï par les grands propriétaires terriens. Cette thèse sera développée par Alexandre Soljenitsyne dans Août 14, premier nœud.

    En 1913, deux ans après sa mort, l’Empire russe est considéré comme la troisième puissance mondiale. Mais la dernière tentative de réforme conservatrice de l'Empire n'a pu être menée à son terme.

    L'avant-guerre

    Une impression de fin de règne (1911-1914)

    La mort de Piotr Stolypine marque la reprise des troubles révolutionnaires et des grandes grèves, telle celle sur la Léna à partir de février 1912. Vladimir Nikolaïevitch Kokovtsov est nommé, par Nicolas II, Président du Conseil. Pendant ce mandat, il garde le portefeuille de ministre de l'Intérieur. Dans son autobiographie, Serge Witte mentionne Vladimir Nikolaïevitch Kokovtsov, comme l'un de ses assistants les plus brillants. Witte laissait son assistant gérer lui-même certaines affaires, notamment certaines réformes dans les finances de la Russie impériale. Kokovtsov, homme prudent, très capable et défenseur du tsar, ne peut toutefois pas lutter contre les factions puissantes de cour, qui détiennent le vrai pouvoir . Kokovtsov est une sorte de mandarin russe. Un haut fonctionnaire froid, hautain, consciencieux et compétent . Quand le ministre de la guerre Vladimir Soukhomlinov réclame pour son budget des crédits démesurés les réduit considérablement, ce qui lui attire la haine de ce personnage qui voulait remplacer Stolypine.

    En 1912, la Russie instaure un système d'assurance sociale pour les travailleurs et adopte un certain nombre d'autres lois pour améliorer leurs conditions de vie. Le président américain William Taft commente ainsi ces lois sociales : « La législation du travail que votre Empereur a promulgué est tellement parfaite que notre pays démocratique ne peut se vanter de pareille protection sociale » . Vladimir Nikolaïevitch Kokovtsov, premier ministre libéral, qui a négocié avec Cambon et Poincaré les emprunts ferroviaires de 1906, en redemande en 1913. Émigré en France, il sera l'ami de Poincaré

    Le tsar visite le port de Riga en 1910.
    Vladimir Nikolaïevitch Kokovtsov est remplacé par Ivan Goremykine, car il s’est permis de critiquer ouvertement Raspoutine. Le 12 février 1914, cet Ivan Goremykine est de nouveau rappelé par Nicolas II de Russie au poste de Président du Conseil. Le choix du tsar est dicté par les bons sentiments qu'éprouve Alexandra de Hesse-Darmstadt pour le Président du Conseil. Il reste dans ces fonctions jusqu'en juillet 1916. L'hostilité des membres de la Douma et des ministres nuisent à l'efficacité de son gouvernement. En 1915, Nicolas II de Russie prend la décision d'assurer lui-même le commandement de l'armée impériale de Russie, Ivan Goremykine invite le Conseil d'État a approuver la décision du tsar. Les conseillers d'État refusent la proposition d'Ivan Goremykine, il déclare : « Je ne suis pas apte à assurer ma position et demande à être remplacé par un homme possédant des vues plus modernes ». Le 2 février 1916 son désir est exaucé, il est remplacé par Boris Stürmer, qui n'est en rien un homme moderne.
     
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