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    “ L’invention “ des mystères alchimiques dans les cathédrales ne date bien sur que de la Renaissance, après la diffusion (massive) du CheminCroisé Corpus Hermetique dans toute l’Europe, le mythe Flamel lui est intimement liè.

    Dans son ouvrage de 1544 mettant en scène Demogorgon et le “philosophe” Geber, Giovanni Bracesco faisait dire à ce dernier : « Les anciens dissimulaient les secrets de la nature non seulement dans leurs écrits, mais aussi dans des tableaux variés, des caractères, des chiffres, des monstres… les planètes et les signes célestes… et ils n'étaient compris de personne, sauf de ceux qui connaissaient ces secrets. »

     

    Nôtre Dame de Paris

    En 1561, Robertus Vallensis publie son De veritate et antiquitate artis chemicae, Il reprend les thèmes de Bracesco et y ajoute édifices et monuments tels que l'arche de Flamel et le labyrinthe. La même année est édité par les soins du médecin et alchimiste paracelsien Jacques Gohory : « le Sommaire Philosophique de N. Flamel avec la défense d'iceluy art et des honestes personages qui y vaquent : contre les efforts de I. Girard mect à les outrager » soit cent quarante quatre ans après la mort du vrai Flamel.
     

    Dans la préface il entretient la légende :

    « Ce livre (qui n'avoit paravant esté mis en lumière) est intitulé Le sommaire de Nicolas Flamel qui florissait l'an 1393 et 1407 comme il appert encores en la ville de Paris à S. Innocent ès monuments de deux arches opposites, le cymetierre entre elles, qu'il feit alors faire. En l'une desquelles sont, entre aultres choses, érigées les effigies de deux serpents ou dragons et d'un lyon, suyvant la description que d'iceulx il ha faict en ce livre. »

     

     

    l se compose de plus de :
     

    - de la copie du Traité du grand oeuvre des philosophes, fait par Frère Jehan Rouillascq, cordelier piémontais,
    - de la relation d'inscriptions autour d'un tableau accroché à Notre-Dame dont un texte simplement signé de Guillelmus
    - du Discours des visions sur l'œuvre en rapport avec le dit tableau. 

     

     

    AMIENS 

      

    Le Traité du grand oeuvre des philosophes était déjà attribué à un certain Philippe Rovillasque.

    Les deux “écussons hiéroglyphiques” de Sainte Geneviève sont de forme ovale.
    Cette forme ovoïde, propre à la gestation de la matière, montre un lys au centre d’une croix, dans les quatre « angles » déterminés par une croix d'or, est représentée la phase de l'œuvre décrite sous le nom de conjonction dans la troisième vision du cordelier :

    « Je vis assez heureusement par les marques probables : premièrement, la couleur lactée au commencement ; secondement, après quelques jours, la couleur minime (brun marron) avec la solution de la matière ; tiercement, la fumée ou nuage obscur, à la sommité du vase volant et est adhérente ; quartement aux neuf mois, la congélation avec trois vermisseaux en couleur de jacinthe ; quintement, la noirceur parfaite de la matière. Desquels signes et marques parlent clairement tous les plus grands et sages philosophes. »

     

    CHARTRES

     


    Des variantes de ce vitrail-écusson sont déclinées par le médecin paracelsien David Lagneau ou Laigneau qui, dans l'édition française de son "Harmonie mystique" de 1636, insère les représentations de vitraux de la chapelle des Cordeliers et de l'écusson « hiéroglyphique » représenté par Flamel sur la cinquième arche du cimetière des Innocents et trois passages du Livre des Figures Hiéroglyphiques.
     

     

     

    Mais l'édition originale latine de Laigneau de 1611 qui est en fait une "Harmonie chymique", un commentaire de textes alchimiques, ne comprend pas ces passages du Livre des figures. C'est bien le traducteur, le Sieur Veillutil (un pseudonyme ?) qui augmente considérablement le livre de Laigneau dont il change le titre en "Harmonie Mystique", peut-être en référence à l'Harmonia Mundi du frère cabaliste de Venise, qu'il cite.

    Dans sa lettre dédicace « A Monsieur R. S. D. L. M. C. D. R. AP. D. D, très humble et parfaict Amy, son très humble serviteur L. S. D. V. S. T. H. », il précise que par ami, « il n'entendoit être autre que celuy qui auroit la connaissance de la vraye philosophie qu'il définit plus loin comme science la plus haute mystique et cabalistique, à l'exclusion de la sainte théologie ».

     

    Lisons maintenant l'inscription du soi-disant tableau :

    « CECI DESSOUS ECRIT A ETE PRIS EN UN TABLEAU A NOTRE-DAME DE PARIS QUI EST VIS-A-VIS L'IMAGE SAINT-CHRISTOPHE ; DANS LEQUEL TABLEAU, AU DESSUS DE L'ECRITURE, Y A UNE OVALE DANS LAQUELLE, IL Y A PLUSIEURS ARBRES FRUITIERS, HERBES ET LIS, ET UN HOMME NU JUSQU'A LA CEINTURE ET UNE ROBE ROUGE EN ECHARPE, QUI SEME LA TERRE. »

     

    L'inspecteur honoraires des musées nationaux et spécialiste des peintures qui se sont succédé à Notre-Dame et spécialement au dix-septième siècle, certifie l'inexistence du tableau, ce qui n’est guère surprenant étant mentionné que ce tableau est « vis-a-vis l'image Saint-Christophe »

     

    Deux textes d'exotérisme religieux encadrent “ cette ovale “, le premier mentionnant un jardin « de vos cœurs » et un jardinier l'arrosant de son sang ; ils sont une ode à la Vierge.

    Le second texte est simplement signé Guillaume, pour nous indiquer la haute antiquité de l'ensemble ; les alchimistes mentionnant comme un des leurs l'évêque de Paris Guillaume d'Auvergne (1180-1249) depuis que Béroalde de Verville (1556 - 1626) dans son Moyen de parvenir évoquait « feu Guillaume de Paris, qui, aux portaux de Notre-Dame, a mis les fîgures chimiques à faire la projection à devenir sages ».

    La dernière oeuvre du copiste : le Discours des visions sur l'œuvre , est en fait une vision et quatre songes qu'aurait eu « un religieux se trouvant dans une ville arrosée dans son sein d'une grosse rivière, laquelle en son centre y forme une très belle île où est un fameux et admirable temple, tant pour la symétrie de son édifice que pour la dévotion à la reine des cieux […] Contemplant les figures hiéroglyphiques en plusieurs endroits de la dite ville, avec grande admiration de tous, autorisée par tant de doctes et sages personnes de diverses nations qui ont écrit sur la pierre. »

      

     


      

    Notre Frère Jehan, grandement troublé, « délibère d'implorer une faveur divine par l'intercession de la Vierge Marie » afin de connaître le secret des philosophes ou oublier de telles fantaisies, et voici qu'au plus fort de son oraison, un feu céleste lui enflamma la face, avec une voix interne qui lui dit : « Regarde au tableau qui est attaché au pilier près de la porte du temple […] Ayant contemplé ledit tableau où il y a une image de Notre-Seigneur qui arrose de son propre sang une terre noire de laquelle naissent aucuns arbres, le trons desquels est gros obscur ou environ, et les feuilles vertes avec les fruits d'or, hiéroglyphiques merveilleux. » Ce Jardin des Hespérides lui fera « entendre la matière du premier agent décrit par le très ancien Artephius ».

    Il précise qu'il aurait eu sa vision du verger « à l'heure de none », les quatre autres visions de nuit seraient-elles songes de verger ? Car Gohory est aussi l’auteur du Livre de la Fontaine périlleuse avec la chartre d'Amours : autrement intitulé, le songe du verger(1572),

      

      

    Il avoue n'avoir « point lu dans les cartes antiques de Paris, ni de cette cathédrale, pour savoir le nom de celui qui a été le fondateur de ce portail merveilleux mais je crois néanmoins que celui qui a fourni ces énigmes hermétiques, ces symboles et ces hieroglifs mystiques de notre religion, a été ce grand docte et pieux personnage Guillaume évêque de Paris ».

    En 1655, Pierre Borel déclare dans son Trésor de recherches et antiquitez gauloises et françoises : « Et il y en a qui tiennent aussi que c'est Flamel qui a mis un Tableau à Nostre-Dame, qu'on void sur un pilier vis à vis de S. Christofle ; au fonds duquel y a des vers françois de sa façon, qu'on tient contenir les hieroglyfiques de la pierre philosophique. On tient aussi de luy la pluspart de ce qui est à Saint-Jacques de la Boucherie, comme on void par les inscriptions en pierre et en bois, et par les vitres qui y sont, dont une partie sont estimées hieroglyfiques par les curieux, et entr'autres celle où on void un pressoir de raisins.

      

    On verra une sienne inscription dans la mesme église en lettre d'or, sur la corniche de la chapelle des esperonniers, où il est nommé et sa femme, pour fondateurs de cette chapelle. On void enfin de luy de grands landiers de fer en diverses ruës de Paris, et surtout vers le milieu de celle qui va de la ruë S. Denis, à celle de S. Honoré, costoyant S. Innocent. Mais pour revenir au Tableau de Nostre Dame, on y void représenté un Christ qui seme son sanc, en un champ ; d'où viennent des lis & des roses. Les vers ont un sens mystique...

     

    D'autres estiment que ce soit Guillaume le Parisien évesque de Paris qui les ait mis, et qu'il ait orné cette église de divers hieroclyfiques chimiques. Je ne decideray pas ce différent, mais je sçay bien qu'il estoit chimiste, et qu'on trouve divers livres de cette science sous son nom, comme aussi de Christofle parisien. »

    Son contemporain CheminCroisé Henri Sauval fournira la source des spéculations du Mystère des cathédrales dans son Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris : « Ils (les hermétistes) découvrent mille belles choses avec les vinct-huit rois qui règnent le long du portail, surtout dans la figure même de Guillaume de Paris. Ce n'est pas sans raison, disent-ils, que le bout de son bâton pastoral est de fer et entre dans la gueule d'un dragon, qui cache sa queue dans un bain d'où sort de la fumée et une tête de roi. Que sans difficulté à la porte du côté de l'Hotel-Dieu, l'ouverture de l'ouvrage de physique y est figurée et dans les deux autres la suite et la consommation.

     

     

    Mais une chose ici qui les met bien en peine, est de savoir pourquoi pas une de ces figures ne regarde dans l'église ; ce qui fait grand honneur à un corbeau qui a les yeux tournés de ce côté-là, qu'à cause de cela ils n'estiment guere moins que les Naturalistes feroient un phenix.

      

    Ce corbeau au reste est à la porte qui tient à Saint-Jean le Rond et qu'ils ne se lassent point de contempler, parce qu'à leur avis son rayon visuel va justement se terminer à l'endroit où le secret de la pierre doit être caché infailliblement ; joint que c'est assés près d'un jardinier de plate peinture qu'on voit en entrant dans l'égIise, et qu'ils appellent le Semeur, qu'ils prennent encore pour un hieroglyphe, aussi-bien que deux bouteilles, l'une aux pieds d'Antoine des Essarts, l'autre tout de même aux pieds de Saint-Christophe cachée parmi des joncs et des roseaux ; et quoique tous demeurent d'accord qu'un homme qu'on fait mourir à coups de flèches et un roi qu'on dépouille, figurés au bas du même St Christophe soient encore mystérieux, néanmoins ils ne conviennent pas entre eux de leur signification.

      

     

    Bien davantage, quelques-uns même prennent Saint-Christophe pour un hieroglyphe, et comme c'est maintenant le plus grand et le plus gros colosse qui soit dans le monde, ils tirent avantage de sa masse, et se glorifient d'avoir le plus grand et le plus gros hieroglyphe qu'il y ait jamais eu, ils ne sauroient se lasser de dire du bien de Pierre des Essarts qui l'a fait faire. Enfin la folie des hermétiques est si grande, qu'il n'y a sorte de rébus sculptés qu'ils n'interprètent… »

    Nous avons donc vu “nos hiéroglyphes” d’abord disséminés dans Paris, puis sur le portail de la cathédrale, ensuite dans un tableau dans la cathédrale, enfin Fulcanelli verra toute la cathédrale comme “sanctuaire de Tradition, de la science et de l’Art “.

      

      

      

      

      

     

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