|
|
Jean le Bon promulgue trois ordonnances à Compiègne le 5 décembre 1360. L'une constitue l'acte de naissance du franc. Ensemble, elles marquent aussi la mise en œuvre d'une politique monétaire par les engagements que prend et que tiendra le roi. Jusqu'alors, l'administration royale use du pouvoir monétaire comme d'une ressource personnelle qu'il s'agit de maintenir, voire d'augmenter, au prix de mutations* plus ou moins amples et fréquentes, et les mesures d'accompagnement prises dès l'époque de Philippe le Bel, et reprises par les textes de Philippe VI, Jean II et le Dauphin Charles, se révélaient trop partielles et inefficaces au regard de la situation générale du royaume. 1358 est une année noire pour le royaume de France : le roi et une partie de l'aristocratie sont en captivité à Londres, les paysans se sont révoltés dans les campagnes (la Jacquerie) et Paris s'est soulevé contre le Dauphin, prêt à céder aux ambitions du roi de Navarre et comte d'Évreux, Charles le Mauvais. La préparation des ordonnances et leur application doivent davantage au Dauphin et régent Charles qu'au roi Jean lui-même. Dans l'esprit d'Oresme, conseiller politique et monétaire du régent, le franc doit certes payer la rançon du roi, mais il incarne surtout le souci d'assainir la situation économique d'un royaume sans roi et ravagé, enfin revenu à la paix. Dans les ordonnances de 1360, le roi s'engage à garantir la valeur de la monnaie : la notion de monnaie forte et stable est indissociable de la création du franc. Bien entendu, la monnaie reste un moyen de paiement et une source de revenus, mais avec Charles V, elle se présente encore plus qu'avant comme un instrument politique constitutif de la souveraineté royale. La stabilité et donc la longévité du franc nouvellement créé font partie du contrat moral qui lie le roi et ses sujets.
|