• extrait d'une lettre des Indiens Hopis au Président Nixon en 1970.

    ...L'homme blanc, dans son indifférence pour la signification de la nature, a profané la face de notre Mère la Terre. L'avance technologique de l'homme blanc s'est révélée comme une conséquence de son manque d'intérêt pour la voie spirituelle, et pour la signification de tout ce qui vit. L'appétit de l'homme blanc pour la possession matérielle et le pouvoir l'a aveuglé sur le mal qu'il a causé à notre Mère la Terre, dans sa recherche de ce qu'il appelle les ressources naturelles. Et la voie du Grand Esprit est devenue difficile à voir pour presque tous les hommes, et même pour beaucoup d'Indiens qui ont choisi de suivre la voie de l'homme blanc.

    Aujourd'hui, les terres sacrées où vivent les Hopis sont profanées par des hommes qui cherchent du charbon et de l'eau dans notre sol, afin de créer plus d'énergie pour les villes de l'homme blanc. On ne doit pas permettre que cela continue. Sans quoi notre Mère la Nature réagirait de telle manière que presque tous les hommes auraient à subir la fin qui a déjà commencé. Le Grand Esprit a dit qu'on ne devait pas laisser cela arriver, même si la prédiction en a été faite à nos ancêtres. Le Grand Esprit a dit de ne pas prendre à la terre, de ne pas détruire les choses vivantes.....
      
      
      
     
    Delicious Yahoo! Pin It

    votre commentaire



  • LA ROSE DES PRAIRIES

    Il y a bien, bien longtemps, quand le monde était jeune
    et que les gens n’avaient pas encore émergé,
    aucune fleur n’égayait la prairie.
    Seuls y poussaient des herbes et de ternes buissons gris-vert.
    La Terre était bien triste, car sa robe manquait de couleur et de beauté.


    J’ai tant de belles fleurs dans le cœur, se disait alors la Terre.
    Comme j’aimerais qu’elles soient sur ma robe.
    Des fleurs bleues comme le ciel clair des beaux jours,
    Des fleurs blanches comme la neige de l’hiver,
    Des fleur d’un jaune éclatant comme le soleil de midi,
    Des fleurs roses comme une aube de printemps,
    Toutes, je les porte dans mon cœur.

    Je suis si triste quand je regarde ma robe terne, toutes de gris et de bruns.
    Une tendre petite fleur rose entendit la plainte de la Terre.
    Ne soit pas triste, Terre-Mère
    je vais aller pousser sur ta robe et la rendre plus belle.


    Alors, la petite fleur rose monta du cœur de la Terre-Mère pour égayer la prairie.
    Mais lorsque le Démon du Vent l’aperçut, il se mit à gronder
    Je ne veux pas de cette jolie petite fleur sur mon terrain de jeu.
    Hurlant et rugissant, il se précipita sur elle et souffla la flamme de sa vie.
    Mais l’esprit de la fleur revint au cœur de la Terre-Mère.
    Quand d’autres fleurs courageuses sortirent à leur tour,
    Le démon du Vent les tua l’une après l’autre
    Et leur esprit revint au cœur de la Terre-Mère.


    A la fin, Rose-de-Prairie proposa d’y aller.
    Bien sur, ma douce enfant, lui dit Mère-Terre.
    Je te laisserai partir.
    Tu es si jolie et ton souffle si parfumé que le Démon du Vent en sera charmé.
    Il te laissera sûrement rester dans la prairie.
    Rose-de-Prairie fit donc le long voyage à travers le sol sombre
    Et sortit dans la prairie terne.
    Tandis qu’elle cheminait, Terre-Mère se disait en son cœur :
    Comme j’aimerais que le Démon du Vent la laisse vivre..
    Lorsque Démon du Vent l’aperçut, il se rua vers elle en hurlant :
    Elle est jolie, mais je ne veux pas d’elle sur mon terrain de jeu.
    Je vais souffler la flamme de sa vie.
    Et il s’élança, grondant et soufflant en violentes bourrasques.
    Mais en s’approchant, il sentit le parfum de Rose-de-Prairie.


    Comme il est doux, se dit-il alors.
    Je n’ais pas le cœur d’ôter la vie à une si jolie jeune personne au souffle si parfumé.
    Il faut qu’elle reste ici, avec moi.
    Il faut que j’adoucisse ma voix, que je lui chante de douces chansons.
    Il ne faut pas que je l’effraie avec mon terrible vacarme.
    Et le démon du Vent changea. Il se fit paisible.
    Il envoya de douces brises sur les herbes de la prairie.
    Il susurra et fredonna de petits chants de joie.
    Il avait cessé d’être un démon.
    Alors, les autres fleurs montèrent du cœur de laTerre-Mère à travers le sol sombre.
    Elles firent de sa robe de prairie une parure gaie aux couleurs vives.
    Même le Vent en vint à aimer les fleurs qui poussaient parmi les herbes de la prairie.

    C’est ainsi que la robe de Terre-Mère devint belle,
    Grâce à Rose-de-Prairie, à sa beauté, son parfum et son courage.
    Il arrive parfois que le Vent oublie ses doux chants,
    Qu’il gronde et fasse du tapage.
    Mais ce bruit ne dure jamais longtemps.
    Et il ne fait jamais de mal aux personnes

    qui portent des robes couleur de la Rose-de-Prairie.

    (histoire Lakota, légende amérindienne)
      
      
     
    Delicious Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  •  

     

     
    L'Ane
    J'aime l'âne si doux Marchant le long des houx.
    Il prend garde aux abeilles ...Et bouge ses oreilles ;
    Il va près des fossés, D'un petit pas cassé.
    Il réfléchit toujours.
    Ses yeux sont en velours.
    Et il reste à l'étable, Fatigué, misérable,
    Ayant bien fatigué Ses pauvres petits pieds.
     Il a fait son devoir, Du matin jusqu'au soir.
    Il a tant travaillé Que ça vous fait pitié.
    Il est l'âne si doux Marchant le long des houx.
     
    Francis JAMMES, De l'Angélus de l'Aube à l'Angélus du Soir (1898)
    Delicious Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • Regarde le soir comme si le jour devait y mourir,

    Et le matin, comme si toute chose y naissait,

    Que ta vision soit à chaque instant nouvelle,

    Le sage est celui qui s'étonne de tout.

    André Gide

    Delicious Yahoo!

    votre commentaire
  • couple-de-dos-sur-banc

    LES FEUILLES MORTES

    Oh, je voudrais tant que tu te souviennes,

    Des jours heureux quand nous étions amis,

    Dans ce temps là, la vie était plus belle,

     Et le soleil plus brûlant qu’aujourd’hui.

     Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,

    Tu vois je n’ai pas oublié.

    Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,

    Les souvenirs et les regrets aussi,

     Et le vent du nord les emporte, Dans la nuit froide de l’oubli.

    Tu vois, je n’ai pas oublié,

     La chanson que tu me chantais…

     C’est une chanson, qui nous ressemble,

    Toi qui m’aimais, moi qui t’aimais.

    Nous vivions, tous les deux ensemble,

    Toi qui m’aimais, moi qui t’aimais.

    Et la vie sépare ceux qui s’aiment,

    Tout doucement, sans faire de bruit.

     Et la mer efface sur le sable,

    Les pas des amants désunis.

    Nous vivions, tous les deux ensemble,

    Toi qui m’aimais, moi qui t’aimais.

    Et la vie sépare ceux qui s’aiment,

    Tout doucement, sans faire de bruit.

     Et la mer efface sur le sable Les pas des amants désunis…

    Jacques PREVERT

    Delicious Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • couple-dans-cafe-jack-v

    dessin Jack Vettriano

    ABSENCE

    Ce n’est pas dans le moment où tu pars que tu me quittes.

     Laisse-moi, va, ma petite, il est tard, sauve-toi vite!

    Plus encore que tes visites j’aime leurs prolongements.

    Tu m’es plus présente, absente.

    Tu me parles.

    Je te vois.

    Moins proche, plus attachante, moins vivante, plus touchante, tu me hantes, tu m’enchantes! Je n’ai plus besoin de toi.

    Mais déjà pâle, irréelle, trouble, hésitante, infidèle, tu te dissous dans le temps.

    Insaisissable, rebelle, tu m’échappes, je t’appelle.

    Tu me manques, je t’attends!

    PAUL GERALDY

    Delicious Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • jeune-femme-au-chignon-william-whitaker

    L’INVITATION AU VOYAGE

     

    Il est un pays superbe, un pays de Cocagne, dit-on, que je rêve de visiter avec une vieille amie. Pays singulier, noyé dans les brumes de notre Nord, et qu’on pourrait appeler l’Orient de l’Occident, la Chine de l’Europe, tant la chaude et capricieuse fantaisie s’y est donné carrière, tant elle l’a patiemment et opiniâtrement illustré de ses savantes et délicates végétations.

    Un vrai pays de Cocagne, où tout est beau, riche, tranquille, honnête ; où le luxe a plaisir à se mirer dans l’ordre ; où la vie est grasse et douce à respirer ; d’où le désordre, la turbulence et l’imprévu sont exclus ; où le bonheur est marié au silence ; où la cuisine elle-même est poétique, grasse et excitante à la fois ; où tout vous ressemble, mon cher ange.

    Tu connais cette maladie fiévreuse qui s’empare de nous dans les froides misères, cette nostalgie du pays qu’on ignore, cette angoisse de la curiosité ? Il est une contrée qui te ressemble, où tout est beau, riche, tranquille et honnête, où la fantaisie a bâti et décoré une Chine occidentale, où la vie est douce à respirer, où le bonheur est marié au silence. C’est là qu’il faut aller vivre, c’est là qu’il faut aller mourir !

    Oui, c’est là qu’il faut aller respirer, rêver et allonger les heures par l’infini des sensations. Un musicien a écrit l’Invitation à la valse ; quel est celui qui composera l’Invitation au voyage, qu’on puisse offrir à la femme aimée, à la sœur d’élection ?

    Oui, c’est dans cette atmosphère qu’il ferait bon vivre,  là-bas, où les heures plus lentes contiennent plus de pensées, où les horloges sonnent le bonheur avec une plus profonde et plus significative solennité.

    Sur des panneaux luisants, ou sur des cuirs dorés et d’une richesse sombre, vivent discrètement des peintures béates, calmes et profondes, comme les âmes des artistes qui les créèrent.

    Les soleils couchants, qui colorent si richement la salle à manger ou le salon, sont tamisés par de belles étoffes ou par ces hautes fenêtres ouvragées que le plomb divise en nombreux compartiments. Les meubles sont vastes, curieux, bizarres, armés de serrures et de secrets comme des âmes raffinées. Les miroirs, les métaux, les étoffes, l’orfèvrerie et la faïence y jouent pour les yeux une symphonie muette et mystérieuse ; et de toutes choses, de tous les coins, des fissures des tiroirs et des plis des étoffes s’échappe un parfum singulier, un revenez-y de Sumatra,

    qui est comme l’âme de l’appartement.

    Un vrai pays de Cocagne, te dis-je, où tout est riche, propre et luisant, comme une belle conscience, comme une magnifique batterie de cuisine, comme une splendide orfèvrerie, comme une bijouterie bariolée ! Les trésors du monde y affluent, comme dans la maison d’un homme laborieux et qui a bien mérité du monde entier.

    Pays singulier, supérieur aux autres, comme l’art l’est à la Nature, où celle-ci est réformée par le rêve, où elle est corrigée, embellie, refondue.

    Qu’ils cherchent, qu’ils cherchent encore, qu’ils reculent sans cesse les limites de leur bonheur, ces alchimistes de l’horticulture !

    Qu’ils proposent des prix de soixante et de cent mille florins pour qui résoudra leurs ambitieux problèmes ! Moi, j’ai trouvé ma tulipe noire et mon dahlia bleu !

    Fleur incomparable, tulipe retrouvée, allégorique dahlia, c’est là, n’est-ce pas, dans ce beau pays si calme et si rêveur, qu’il faudrait aller vivre et fleurir ?

    Ne serais-tu pas encadrée dans ton analogie, et ne pourrais- tu pas te mirer, pour parler comme les mystiques, dans ta propre correspondance ?

    Des rêves ! toujours des rêves ! et plus l’âme est ambitieuse et délicate, plus les rêves l’éloignent du possible. Chaque homme porte en lui sa dose d’opium naturel, incessamment sécrétée et renouvelée, et, de la naissance à la mort, combien comptons-nous d’heures remplies par la jouissance positive, par l’action réussie et décidée ?

    Vivrons-nous jamais, passerons-nous jamais dans ce tableau qu’a peint mon esprit, ce tableau qui te ressemble ?

    Ces trésors, ces meubles, ce luxe, cet ordre, ces parfums, ces fleurs miraculeuses, c’est toi. C’est encore toi, ces grands fleuves et ces canaux tranquilles.

    Ces énormes navires qu’ils charrient, tout chargés de richesses, et d’où montent les chants monotones de la manœuvre, ce sont mes pensées qui dorment ou qui roulent sur ton sein. Tu les conduis doucement vers la mer qui est l’infini, tout en réfléchissant les profondeurs du ciel dans la limpidité de ta belle âme ;

    et quand, fatigués par la houle et gorgés des produits de l’Orient, ils rentrent au port natal, ce sont encore mes pensées enrichies qui reviennent de l’infini vers toi

    Charles Baudelaire

    Delicious Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • doisneau-baiser-dans-la-cariole-baiser-blottot

    A une femme

    Si j’étais roi, Je donnerais l’empire, Et mon char, Et mon sceptre, Et mon peuple à genoux, Et ma couronne d’or, Et mes flottes, A qui la mer ne peut suffire, Pour un regard de vous. Si j’étais Dieu, la terre et l’air avec les ondes, Les anges, les démons courbés devant ma loi, Et le profond chaos aux entrailles fécondes, L’ éternité, l’espace, et les cieux, et les mondes, Pour un baiser de toi !

    Les feuilles d’automne

    Victor Hugo.

    Delicious Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  •  

    L'éternelle chanson

     

      

    L'éternelle chanson


    Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
    Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
    Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
    Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
    Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,
    Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,
    Et je te sourirai tout en branlant la tête,
    Et nous ferons un couple adorable de vieux.
    Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
    Avec de petits yeux attendris et brillants,
    Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
    Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

    Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,
    Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer,
    Nous aurons une joie attendrie et très douce,
    La phrase finissant toujours par un baiser.
    Combien de fois jadis j'ai pu dire " Je t'aime " ?
    Alors avec grand soin nous le recompterons.
    Nous nous ressouviendrons de mille choses, même
    De petits riens exquis dont nous radoterons.
    Un rayon descendra, d'une caresse douce,
    Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser,
    Quand sur notre vieux banc tout verdâtre de mousse,
    Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer.

    Un vieux couple. Photo par François Berton, Paris
    Avec l'aimable autorisation de François Berton

    Et comme chaque jour je t'aime davantage,
    Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain,
    Qu'importeront alors les rides du visage ?
    Mon amour se fera plus grave - et serein.
    Songe que tous les jours des souvenirs s'entassent,
    Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens.
    Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent
    Et sans cesse entre nous tissent d'autres liens.
    C'est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l'âge,
    Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main
    Car vois-tu chaque jour je t'aime davantage,
    Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain.

    Et de ce cher amour qui passe comme un rêve,
    Je veux tout conserver dans le fond de mon coeur,
    Retenir s'il se peut l'impression trop brève
    Pour la ressavourer plus tard avec lenteur.
    J'enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare,
    Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ;
    Je serai riche alors d'une richesse rare
    J'aurai gardé tout l'or de mes jeunes amours !
    Ainsi de ce passé de bonheur qui s'achève,
    Ma mémoire parfois me rendra la douceur ;
    Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
    J'aurai tout conservé dans le fond de mon coeur.

    Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
    Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
    Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
    Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
    Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,
    Nous nous croirons encore aux jours heureux d'antan,
    Et je te sourirai tout en branlant la tête
    Et tu me parleras d'amour en chevrotant.
    Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
    Avec de petits yeux attendris et brillants,
    Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille
    Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

     

     Rosemonde Gérard (Louise-Rose-Étiennette Gérard, femme d'Edmond Rostand l'auteur de Cyrano de Bergerac)

      

      

    sources : http://www.periblog.fr/2010/02/l-eternelle-chanson.html

      

     

     

    Delicious Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • les FRANCS MACONS....

     

     

     

     

     

     

     

     

      

      

     

    Les deux pigeons s'aimaient d'amour tendre,

    L'un d'eux s'ennuyant au logis,

    Fut assez fou pour entreprendre

    Un voyage en lointain pays.

    L'autre lui dit : « Qu'allez-vous faire ?

    Voulez-vous quitter votre frère ?

    L'absence est le plus grand des maux :

    Non pas pour vous, cruel ! Au moins, que les travaux,

    Les dangers, les soins du voyage,

    Changent un peu votre courage.

    Encor si la saison s'avançait davantage !

    Attendez les zéphyrs. Qui vous presse ?

    Un corbeau Tout à l'heure annonçait malheur à quelque oiseau.

    Je ne songerai plus que rencontre funeste,

    Que faucons, que réseaux. « Hélas, dirai-je, il pleut :

    « Mon frère a-t-il tout ce

    qu'il veut,« Bon soupé, bon gîte, et le reste ? »

    Ce discours ébranla le coeur

    De notre imprudent voyageur ;

    Mais le désir de voir et l'humeur inquiète

    L'emportèrent enfin. Il dit :

    « Ne pleurez point : Trois jours au plus rendront mon âme satisfaite ;

    Je reviendrai dans peu conter de point en point

    Mes aventures à mon frère ;

    Je le désennuierai : quiconque ne voit guère

    N'a guère à dire aussi. Mon voyage dépeint

    Vous sera d'un plaisir extrême.

    Je dirai : « J'étais là ; telle chose m'advint»;

    Vous y croirez être vous-même. »

    A ces mots en pleurant ils se dirent adieu.

    Le voyageur s'éloigne ; et voilà qu'un nuage

    L'oblige de chercher retraite en quelque lieu.

    Un seul arbre s'offrit, tel encor que l'orage

    Maltraita le pigeon en dépit du feuillage.

    L'air devenu serein, il part tout morfondu,

    Sèche du mieux qu'il peut son corps chargé de pluie,

    Dans un champ à l'écart voit du blé répandu,

    Voit un pigeon auprès : cela lui donne envie ;

    Il y vole, il est pris : ce blé couvrait d'un lacs

    Les menteurs et traîtres appas.

    Le lacs était usé ; si bien que de son aile,

    De ses pieds, de son bec, l'oiseau le rompt enfin.

    Quelque plume y périt ; et le pis du destin Fut qu'un certain vautour à la serre cruelle Vit notre malheureux qui, traînant la ficelle

    Et les morceaux du lacs qui l'avaient attrapé, Semblait un forçat échappé.

    Le vautour s'en allait le lier, quand des nues Fond à son tour un aigle aux ailes étendues.

    Le pigeon profita du conflit des voleurs, S'envola, s'abattit auprès d'une masure, Crut pour ce coup que ses malheurs Finiraient par cette aventure ;

    Mais un fripon d'enfant (cet âge est sans pitié) Prit sa fronde, et, du coup tua plus d'à moitié

    La volatile malheureuse,

    Qui, maudissant sa curiosité,

    Traînant l'aile, et tirant le pié,

    Demi-morte et demi-boiteuse,

    Droit au logis s'en retourna.

    Que bien que mal elle arriva,

    Sans autre aventure fâcheuse.

    Voilà nos gens rejoints ; et je laisse à juger De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines.

    Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ?

    Que ce soit aux rives prochaines ;

    Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau,

    Toujours divers, toujours nouveau ;

    Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste.

    J'ai quelquefois aimé : je n'aurais pas alors

    Contre le Louvre et ses trésors,

    Contre le firmament et sa voûte céleste,

    Changé les bois, changé les lieux

    Honorés par le pas, éclairés par les yeux De l'aimable et jeune bergère

    Pour qui, sous le fils de Cythère

    Je servis engagé par mes premiers serments.

    Hélas ! Quand reviendront de semblables moments ?

    Faut-il que tant d'objets si doux

    et si charmants Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète ?

    Ah! si mon coeur osait encor se renflammer !

    Ne sentirai-je plus de charme qui m'arrête ?

    Ai-je passé le temps d'aimer ?

     

    Jean de LAFONTAINE, fables, livre IX (1679)

     

     

    Delicious Yahoo! Pin It

    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique