•  http://classes.bnf.fr/ema/audio/videos/droite2.htm

     

     

     

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  • Le sentiment de l'enfance


     

     

    L'influence d'un modèle


        La Sainte Famillle
       

    Même s'il ne correspond nullement à la démographie médiévale, fondée sur la famille nombreuse, l'exemple de la Sainte Famille constitue un schéma de base auquel chacun peut s'identifier. Pour les simples gens, c'est un modèle d'amour familial, de bonne éducation et de puériculture. Joseph fait chauffer le lait de la bouillie et met à sécher le linge du bébé. Il joue avec lui et, plus tard, enseigne à son fils ses compétences de charpentier pour bâtir des maisons de ville à pan de bois. Marie allaite l'enfant, lui tricote une chemise, vérifie la température de l'eau de son bain… L'Enfant Jésus dort dans le lit de son père.

     
       
        L'Enfant Jésus

     

    L'affinement du sentiment médiéval de l'enfance tient beaucoup au culte de l'Enfant Jésus. Dans ce domaine, l'influence des textes monastiques et l'évolution des représentations de la Nativité, de plus en plus humanisées, ont sans doute joué un grand rôle. Dès le XIIe siècle, les clercs et les pédagogues insistent sur le caractère "doux et innocent" de l'Enfant Jésus. Le cistercien Aelred de Rievaulx, maître de novices puis abbé de Rievaulx (Bedfordshire), compose en 1143 un traité intitulé Quand Jésus eut douze ans, dans lequel il imagine ce que furent les premières années du Christ. Il est le premier à faire de Jésus un enfant gâté et choyé par une mère toute à sa dévotion.
    Le culte des saints innocents et, à la même date, le culte marial grandissant connaissent un large écho auprès des pédagogues. Au XIIIe siècle, Raymond Lulle, auteur d'un livre didactique intitulé Doctrine d'enfant, conseille à ses lecteurs de voir la Vierge à l'Enfant dans toute pauvre femme tenant un enfant dans ses bras. De même au XVe siècle, les fidèles s'identifient volontiers à saint Joseph, pour les hommes, ou aux servantes de la Sainte Famille pour les femmes. À cette date, on ne représente plus l'Enfant Jésus qu'en vrai bébé, rond, potelé, blond et bouclé. Seul le nimbe cruciforme le distingue encore d'un enfant ordinaire. Ce faisant, et imperceptiblement, est mise en valeur l'enfance réelle, et non pas seulement celle de Jésus. La valorisation de la petite enfance est un phénomène dès lors totalement accompli.

     

    Un tendre attachement


     

    Aucun homme médiéval ne doute des capacités des familles de son temps à aimer leurs enfants ; au contraire, on craint qu'elles ne les aiment trop. Philippe de Novare, dans Les Quatre Âges de l'homme, traité didactique composé au XIIIe siècle, l'explique clairement : "L'amour de ceux qui élèvent les enfants croît à mesure que ceux-ci grandissent. Mais qu'ils y prennent garde, il ne faut pas faire sans examen la volonté des enfants." Tous les pédagogues fustigent l'attitude des parents trop tendres et si coulants qu'ils laissent leurs enfants faire ce qu'ils veulent.

        Légitimes ou bâtards
     

    Les enfants sont considérés comme une richesse matérielle et psychologique pour les familles. Malgré leur fragilité et le risque de les perdre, les parents n'ont pas crainte de s'attacher à eux et n'attendent pas qu'ils aient grandi pour les prendre en considération, comme on l'a cru à tort à la suite de l'historien Philippe Ariès. Même les enfants bâtards peuvent être appréciés et aimés, surtout dans l'aristocratie il est vrai et s'ils sont issus des aventures extraconjugales du père ; nés des amours adultères de la mère, ces enfants du péché sont le plus souvent rejetés, y compris dans les familles rurales où ils pourraient pourtant constituer une force de travail utile.

      Garçons et filles
      À terme, garçons et filles sont autant aimés les uns que les autres, bien que les parents préfèrent à l'évidence avoir un fils comme premier-né. C'est là le résultat d'une organisation sociale qui pousse, en certains lieux, à privilégier juridiquement l'aîné par le principe de la primogéniture et partout à magnifier la force de travail où le garçon s'avère supérieur à la fille. Néanmoins, les filles sont vivement appréciées pour leur fidélité à leurs parents, leurs qualités morales, mais aussi physiques : les parents n'hésitent pas à les baptiser Belle, Douce, Bonne ou Gaillarde (travailleuse). Elles sont loin d'être toutes défavorisées par les systèmes juridiques d'héritage. Certaines régions de France et d'Europe partagent également entre frères et sœurs les biens des parents décédés. Ailleurs, elles reçoivent une dot, qui sera gérée par l'époux mais qui leur reviendra, ou à leurs parents, si le mariage est dissous par la mort du mari.
      
     

    Jusque dans la mort


      L'amour que les parents portent à leurs enfants est particulièrement sensible lorsque ces derniers viennent à décéder : les pères vont jusqu'à déménager et à fermer la maison pendant plusieurs mois pour tenter d'oublier, les femmes pleurent des jours durant… "Il est fou celui qui s'efforce d'empêcher la mère de pleurer la mort de son enfant jusqu'à ce qu'elle soit bien vidée de ses larmes et soûlée de pleurer", écrit un grand bourgeois parisien à la fin du XIVe siècle. "Alors seulement il est temps de la réconforter et d'adoucir sa douleur par de douces paroles."
        L'inhumation
     

    Les enfants, choyés jusque dans la mort, sont inhumés avec un soin particulier. Les cimetières des villes sont peuplés de leurs dépouilles, et les archéologues retrouvent aujourd'hui leurs squelettes par centaines. Les plus jeunes sont enterrés aux places les plus saintes de l'église du quartier (sous le baptistère, dans les fondations…), les plus âgés sont inhumés "sous la gouttière", c'est-à-dire à l'aplomb de la toiture de l'église paroissiale, pour que leur corps soit perpétuellement baigné de l'eau sanctifiée qui ruisselle du toit. Les autres sont regroupés sous le parvis, dont le nom latin, paradisius, dit assez à quel point on souhaite ainsi les placer au plus près de Dieu. Quant aux fœtus, de minuscules tombes étaient parfois creusées dans les fondations mêmes des églises ou dans les conduites d'eau des baptistères afin que leur dépouille baigne dans l'eau bénite jusqu'à la fin des temps.

        Les limbes
     

    Seuls les enfants n'ayant pas eu le temps de recevoir le baptême sont exclus du cimetière et de l'espérance du paradis, puisque rejetés en enfer. À partir des XIe-XIIe siècles, les parents sont si anxieux à l'idée de ce sort abominable qu'est inventé un nouveau lieu : les "limbes des enfants". Bien que privés à tout jamais de l'espoir de la vision béatifique de Dieu, les petits défunts passent au moins l'éternité sans souffrir, immobiles, les yeux clos… Parallèlement, sous l'effet de l'angoisse parentale, se développent les "sanctuaires à répit" : les enfants morts à la naissance y sont exposés le temps qu'on reconnaisse en eux un signe de vie autorisant le baptême. Étaient admis tout mouvement réflexe, toute émission d'humeur : on parvenait presque toujours au miracle… Nombre d'églises se spécialisèrent dans les miracles d'enfants.

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  • Le cadre de vie


     

     

    Des accessoires appropriés


     

    En ville, les enfants de familles aisées bénéficient d'un confort bien supérieur à ceux qui vivent dans les châteaux, peu meublés et très mal chauffés, aux murs de pierre bien moins agréables que les salles à pans de bois plâtré des maisons urbaines. Les enfants des riches citadins ont leur propre chambre, située dans un lieu aéré et abrité de la maison, meublée d'un mobilier adapté à leur âge et à leur petite taille : chaises miniatures, petites tables et tabourets bas, berceaux de types divers, déambulateurs (youpalas, alors appelés "chariotes à enfants").

      Alors que les ruraux ne possèdent presque jamais de berceaux pour leurs bébés, en ville un simple artisan n'hésite pas à en faire l'acquisition. Seuls les pauvres ne bénéficient pas d'un tel confort : les nouveau-nés dorment dans un couffin d'osier, dans le lit conjugal ou dans un hamac accroché au-dessus. Les enfants disposent aussi d'une vaisselle appropriée : biberons de terre cuite ou d'étain, minuscules poêlons à bouillie, petites cuillers. On leur réserve des vêtements spécifiques, quoique asexués jusqu'à l'âge de 2 ou 3 ans.
       
     

    Jeux et jouets



     

    Abondamment signalés dans les enluminures et les sources écrites, souvent retrouvés par les archéologues, les jouets ne manquent pas. Mais ils diffèrent en qualité selon les milieux sociaux. Aux riches et aux enfants de l'aristocratie, les soldats de plomb, les canons en miniature, les échecs, les dînettes d'étain, les poupées sculptées parées de beaux habits. Aux pauvres, les poupées de chiffon et de paille, les jouets fabriqués de bric et de broc : objets modelés dans l'argile, petits cailloux, noix en guise de billes, osselets récupérés dans les déchets alimentaires, cerceaux en cercles de tonneau, pots de terre en guise de ballons, balais transformés en cheval-bâton… Aux enfants des villes et des châteaux, les spectacles de marionnettes. Aux enfants des campagnes, les jeux dans la nature et la participation aux fêtes et aux danses paysannes. Pour tous, les jeux saisonniers : bulles de savon en été, boules de neige en hiver...

     
       

    Jeux et jouets ont souvent pour mission d'initier les enfants à leurs rôles sociaux ultérieurs. Les petits paysans tirent des charrettes en miniature dans la cour de la ferme, les enfants des ports jouent avec des bateaux de bois dans les rigoles de la ville, les enfants des châteaux jouent à la guerre et font des châteaux de sable… On ne voit guère de filles jouer aux petits soldats ou chevaucher un balai ; mais les garçons comme les filles ont des poupées et des dînettes (le métier de cuisinier est, en milieu aristocratique et en ville, un modèle de profession masculine). On offre aussi des jouets aux petits malades, pour les distraire et les consoler.
    À côté des jouets de fortune, objets domestiques détournés ou substituts trouvés dans la nature, il existe de véritables produits fabriqués : certains sont façonnés à temps perdu par les parents, d'autres font l'objet d'un achat, voire d'une fabrication en nombre (sifflets, grelots). Ces pratiques démontrent l'intérêt porté à l'enfance par la société médiévale.

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  • La structure familiale


     

     

      Le père

     

    Le père est proche de ses enfants. Il a, prioritairement, la responsabilité de les élever et de les protéger, de les former à la vie noble ou de les initier aux travaux agricoles ou artisanaux. Filles et garçons l'accompagnent aux champs, aux vendanges ou au marché pour vendre les produits de la terre. Mais il partage aussi les fonctions féminines traditionnelles jusqu'aux plus humbles gestes de la puériculture. Dans les milieux populaires, en effet, il n'hésite pas à donner le bain aux bébés, à faire cuire leur bouillie et à les faire manger. Il prend part à leurs jeux, les surveille et les soigne quand ils sont malades. À chaque nouvelle naissance, le père est tout particulièrement sollicité, car la mère, rendue impure par son accouchement et les suites de couches, est soumise à une obligation sociale et religieuse qui la contraint à garder le lit entre trente et quarante jours après la naissance, jusqu'à ses "relevailles", sa purification à l'église. Pendant cette quarantaine, le père trop pauvre pour entretenir une servante – ce qui est le cas de la majorité des familles rurales ou artisanes – doit continuer son activité professionnelle tout en assurant la totalité des tâches domestiques : le ménage, les courses, l'épuisant approvisionnement en eau, la cuisine, sans omettre les soins des enfants déjà nés. Tout va bien si un (ou une) aîné(e) est assez grand(e) pour l'assister. Mais, l'intervalle entre deux naissances ne dépassant pas deux ans, le cas le plus répandu dans les premières années de la vie conjugale est sans doute celui d'un père surchargé de très jeunes enfants échelonnés entre 2 et 6 ans, s'évertuant à tenir la maison sous le regard de son épouse alitée !

     
      La mère
     

    La mère assure, avec l'aide des aînés, voire d'une nourrice, le gros des soins aux tout-petits, qui demeurent longtemps dépendants d'elle en raison d'un allaitement de longue durée. Elle transporte le dernier-né partout grâce à un porte-bébé en tissu ou en bois, ou à un petit berceau qu'elle porte sur la tête. Elle allaite en public, où qu'elle soit. Elle cuisine pour les enfants. Mais elle assume encore bien d'autres rôles, qu'on aurait crus réservés au père. C'est elle qui se voit chargée de l'éducation morale et de l'instruction catéchistique, sur laquelle, surtout en milieu rural, elle en sait plus que les hommes de la famille. En ville, les mères sont même capables d'enseigner les rudiments de l'instruction intellectuelle. Depuis le XIIIe siècle, bien des épouses de petits artisans savent lire, écrire et compter, savoirs indispensables à l'exercice de leur profession, car elles aident leur mari.

     
        Grands-parents, oncles et tantes


    Les enfants ont peu de contacts avec leurs grands-parents. Du côté maternel, ces derniers habitent souvent dans une ville différente ; du côté du père, souvent plus âgé que la mère, les grands-parents sont généralement décédés depuis longtemps. Seuls les membres des grandes familles, qui rassemblent plusieurs générations sous le même toit d'un château ou d'une vaste propriété, accueillent parfois un aïeul survivant, lequel s'occupe alors avec tendresse des plus jeunes.
    Les oncles et les tantes contribuent également à leur éducation. Dans les milieux aristocratiques, les oncles, notamment maternels, assurent la formation chevaleresque de l'enfant. On connaît moins leur rôle dans les milieux modestes.

        Parrains et marraines
       

    À la fin du Moyen Âge, leur rôle est plus symbolique que pratique, et limité aux grands moments de la vie : les parrains et marraines, par exemple, mènent le nouveau-né sur les fonts baptismaux et portent l'enfant défunt au cimetière. Ils sont censés être les garants de l'enfant auprès de l'Église et doivent, en théorie, lui enseigner les rudiments de la foi ; dans la pratique, c'est la mère qui se charge de cette tâche.

     
        La nourrice

     

    La nourrice est en tout point une mère de substitution, surtout lorsqu'elle vit au foyer des parents. Sa fonction principale est d'allaiter l'enfant dont elle a la charge, parfois jusqu'à l'âge de 2 ou 3 ans. Elle joue aussi un rôle essentiel dans l'éducation et le soutien psychologique des petits. Elle est présente dans tous les milieux, dès qu'une famille, même rurale, est assez aisée pour payer ses gages. Les sentiments mutuels d'affection qui se nouent entre les enfants et leur nourrice, qui habite souvent au foyer parental, sont si forts que les parents s'en plaignent, redoutant de se voir supplantés dans le cœur de leurs propres enfants.
    Si l'on en croit les médecins de l'époque, la nourrice idéale doit avoir entre 25 et 30 ans, être en bonne santé, avoir un heureux caractère pour ne pas rendre l'enfant triste, être dotée d'une intelligence certaine pour ne pas le rendre sot. Elle doit ressembler le plus possible à la mère, car on croit que, par le lait, la femme continue de façonner l'apparence physique et l'esprit du bébé, et de lui transmettre la mémoire familiale ; dans les faits, néanmoins, les familles riches d'Italie ou de la France du Sud n'hésitent pas à engager des esclaves noires… La nourrice n'a pas le droit d'être enceinte, car le lait d'une femme qui attend un enfant est jugé nocif. Les contrats d'engagement des nourrices prévoient ce cas de figure et sa sanction : le renvoi immédiat.

        Les frères et les sœurs
     

    Très souvent, la mère est retenue dehors toute la journée : à la campagne, les travaux agricoles ne manquent pas ; à la ville, elle peut être porteuse d'eau ou vendeuse de rue. Prendre un bébé avec soi dans ces conditions n'est pas toujours facile. Quand une famille ne peut s'offrir le luxe d'une nourrice, la garde des tout-petits est alors confiée aux aînés, garçons ou filles, parfois dès 3 ans. Selon leur âge, il peut s'agir d'une responsabilité de quelques minutes ou de quelques heures. Le premier-né, évidemment, n'a pas cette chance ; la mère doit se résoudre à le laisser à la maison sous la protection d'un saint… Ces pratiques peu fiables sont la cause d'accidents domestiques variés qui entraînent la mort de nombreux enfants.
    Pour autant, avoir des frères et sœurs ne constitue pas seulement une responsabilité écrasante : comme le rappelle joliment un poème juif du XIIe siècle, composé en Espagne, l'enfant est "le rire de ses frères". Dans un monde où les pères laissent souvent des enfants orphelins, l'établissement de bonnes relations entre frères et sœurs est une obligation de survie. Face aux tâches de la vie domestique, garçons et filles sont sur le même plan. C'est leur rang dans la fratrie qui leur confère leur rôle social ; l'aîné, quel que soit son sexe, est toujours investi d'une responsabilité de type parental.

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