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    Le nom de Massada, qui vient du terme araméen mezad (forteresse), est aujourd'hui le symbole de la résistance face à l’oppression.


    Situé à côté de la Mer Morte, le piton rocheux de Massada a été le théâtre de l'un des épisodes les plus dramatiques de l'histoire du peuple juif face au puissant empire Romain.

    Certes, Massada est tombé mais cette victoire des Romains n’a été en fait qu’une amère défaite.

    Si la forteresse de Massada a été prise, par contre, nul n’a réussi à faire plier les Zélotes. Mourir plutôt que l’esclavage, telle a été la devise des réfugiés.
     

    La conquête romaine du Proche-Orient
     

    Vers le milieu du Ier siècle avant notre ère, les Romains renversent la dynastie sacerdotale et royale des Maccabées et étendent leur pouvoir sur la Palestine. Mais le peuple Juif n’accepte pas le joug des oppresseurs.

    La population fomente de nombreuses rébellions contre l'autorité en place. Zélote est le nom donné aux membres d’un mouvement nationaliste juif, qui joua un rôle actif dans la révolte juive de 66-70 contre l’occupant romain.
    En 66 de notre ère, la première grande révolte juive éclate et plonge, pendant quatre longues années, la région dans une guerre terrible, remportée par Titus.
     


     

    Le futur empereur conquiert de haute lutte Jérusalem en 70 après J.-C. et l'abandonne à ses soldats, qui la saccagent, la détruisent et la pillent sauvagement, sans épargner le grand Temple, centre du culte de la religion juive.
     

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    Maquette qui reconstitue le Temple et la forteresse de Jérusalem. Image Joshua Paquin
     

    Un an plus tard, au cours d'un défilé triomphal dans les rues de Rome, Titus célèbre ses victoires en terre juive.


    Pour cela, il exhibe les objets du culte du Temple de Jérusalem. Cette scène est immortalisée sur la voûte interne de l'arc de Titus, élevé par Domitien à Rome.
     

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    Arc de Titus. Image Antmoose
     

    Sur l'un des reliefs figure le candélabre à sept branches (la menora), volé à Jérusalem, posé sur une chaise à porteurs et porté par un groupe d'hommes.
     

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    Image Nicholas Thompson
     

    Cependant, Titus est loin d’avoir soumis toute la Palestine. En effet, un millier de rebelles, les Zélotes, qui ont pris aux Romains la forteresse de Massada, en 66 de notre ère, résistent encore à l'envahisseur.
     

    La construction de Massada
     

    La forteresse fut édifiée sur l'ordre de Hérode Ier le Grand, monté sur le trône de Judée au Ier siècle avant notre ère grâce au soutien des Romains.

    Hérode dut s'imposer à son peuple par la force, après avoir pris Jérusalem à l'issue d'un siège interminable. Malgré cette victoire, son autorité resta menacée.
     

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    Jérusalem aujourd'hui. Image Weitwinkel subjektiv
     

    Selon Flavius Josèphe, célèbre historien juif : « On dit en effet qu'Hérode avait fait construire cette forteresse [Massada] comme un refuge pour lui-même, en prévision d'un double danger : l'un venant du peuple juif [...], l'autre, plus grand et plus inquiétant, venant de la reine d'Egypte Cléopâtre. »
     

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    Piton rocheux de Massada. Image Jay P
     

    Dans ce contexte très instable, constamment menaçant, le roi, allié des Romains, veut assurer ses arrières en cas de révolte et mettre sa famille à l'abri.

    Voilà pourquoi il fait construire la forteresse de Massada où ses architectes élèvent également un somptueux palais.
     

    La forteresse de Massada
     

    Les vestiges de la forteresse ont été exhumés par des archéologues israéliens dans les années 1950 et 1960.
    Les fouilles ont ramené à la lumière une grande quantité d'objets, de monnaies et de squelettes, probablement ceux des zélotes suicidés.
    Les fouilles permirent de localiser le palais d'Hérode.
     

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    Image Jay P
     

    Sur la première terrasse, les archéologues ont découvert les vestiges d'une petite salle de bains.

    Les corps d'un homme d'une vingtaine d'années, d'une femme et d'un enfant gisaient non loin de la vasque, peut-être une famille, trois des neuf cent soixante juifs qui se sont suicidés durant l'assaut romain.

    La deuxième terrasse, construite un peu plus haut que la première, à laquelle elle était reliée par un escalier creusé dans la roche, abrite un édifice circulaire qui soutenait probablement une colonnade. Cet espace devait être consacré également aux loisirs de la cour et de la famille royale.
     

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    Remparts. Image Jonas B
     

    La troisième terrasse, le point culminant de la forteresse de Massada, abritait les pièces de la villa-palais.
    Au sud du palais se dressaient de grands thermes publics construits à la mode romaine, où se succédaient un caldarium (partie des thermes romains où se trouvaient piscines chaudes et bains de vapeur), couvert d'un plancher reposant sur plus de deux cents piliers d'argile (les suspensurae) et percé d'ouvertures par lesquelles arrivait l'air chaud, un petit frigidarium (partie des thermes ou l’on prenait les bains froids) , un tepidarium (partie des thermes romains dont l’atmosphère était tiède) et un vestiaire (apodyterium).
     

     
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    Vestiges d'une petite salle de bain. Image Edi Weissmann
     

    Comment a-t-on pu construire des thermes dans une région aussi aride ?
     

    Hérode a ordonné la construction d'un système de collecte de l'eau de pluie, articulé autour d'un réseau de petites rigoles acheminant l'eau dans de grandes citernes creusées à même la roche, et d'un aqueduc convoyant l'eau d'un oued voisin.


    Au sud et à l'est des thermes, les chercheurs ont retrouvé les vestiges des magasins, où l'on stockait d'énormes quantités de blé, de vin, d'huile, de légumes et de dattes.
     

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    Citerne d'eau. Image Jay P
     

    Au sud du secteur des entrepôts et des thermes, trônait une construction carrée se composant d'une cour centrale autour de laquelle se pressaient une série de pièces. C'est probablement là que siégeaient les responsables de l'administration de la forteresse d'Hérode ou les officiers de la garnison.

    Plus au sud, on aperçoit les ruines d'une chapelle paléochrétienne d'époque byzantine, qui témoigne de la présence, entre le Ve et le Vle siècle de notre ère, de moines sur le plateau de Massada.
     

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    Entrepôt. Image Yon Keltron
     

    Non loin de la chapelle byzantine, on aperçoit les ruines du plus grand bâtiment de Massada.

    Cet édifice était peut-être un palais destiné aux cérémonies officielles.

    Massada possédait tous les attributs d'une véritable forteresse royale.


    Cette fortification, défendue par trente tours et comprenant près de soixante-dix casemates (petites constructions indépendantes), était constituée d'une muraille double abritant des magasins, des réserves d'armes, etc.
     

    L’occupation de Massada par les zélotes
     

    Lorsque les zélotes conquirent la forteresse lors de l'insurrection juive contre Rome et l'occupèrent durant six ans, ils apportèrent de nombreuses modifications au complexe hérodien.

    Afin d'accueillir un grand nombre de familles, toutes les salles furent transformées en logements et plusieurs pièces du palais subdivisées en unités indépendantes. Par ailleurs, il existe des preuves de l'existence d'une salle affectée au bet midrash, c’est-à-dire aux études religieuses.
     

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    image Edi Weissmann
     

    Les archéologues ont aussi découvert en plusieurs endroits des tas de pierres arrondies de 40 kg environ chacune. Ces pierres étaient utilisées comme projectiles afin de repousser les assaillants.

    On a également identifié trois bassins.


    Les spécialistes estiment qu'ils étaient réservés à certains bains rituels par immersion, une pratique propre à la religion hébraïque. Ce bain rituel, le mikve, repose sur les principes rigides de la loi hébraïque.

    Les archéologues ont également identifié une structure rectangulaire qui est certainement une synagogue.
    Elle aurait été construite par les rebelles avec des matériaux récupérés dans les bâtiments de l'époque hérodienne.
     

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    Vestiges de la synagogue. Image Yon Keltron
     

    Les fragments de quatorze rouleaux en parchemin découverts en plusieurs points de la forteresse sont d'une grande importance pour l'étude des différents textes de la Bible.

    Lors des campagnes de fouilles, on a mis au jour plus de sept cents ostraka (fragments de poterie), qui nous fournissent d'autres indices sur les rebelles pris au piège sur le rocher de Massada. Ces ostraka portent des inscriptions en hébreu ou en araméen, mais aussi en grec et en latin. La plupart d'entre eux ont été retrouvés à proximité des entrepôts et semblent indiquer qu'un système de rationnement des vivres fut adopté pendant le siège.
     

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    Image Edi Weissmann
     

    Si les fouilles permirent de reconstituer la forteresse dans son ensemble et le mode de vie de ses occupants, quelques questions restent sans réponse. Les archéologues ne savent toujours pas pourquoi une garnison romaine est restée à Massada après la conquête de Silva.

    De même, des fragments de céramique attestent que la forteresse était occupée au début de l'époque arabe, mais personne ne sait pourquoi elle fut abandonnée après le passage des moines byzantins.
     

    La conquête de Massada
     

    À la base du rocher, les restes des fortifications édifiées par les Romains lors du siège sont nettement visibles.
    Les pentes abruptes du plateau rocheux de Massada, d’une superficie d'environ 600 m sur 300 m, se situent au bord du désert de Judée.


    Le piton rocheux domine la mer Morte du haut de ses 400 m. Sa situation exceptionnelle en fait une forteresse naturelle presque inexpugnable.
     

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    Du haut de Massada, on aperçoit la mer Morte. Image Jay P
     

    En 72 après J.- C., le gouverneur romain de Palestine, Flavius Silva, marche sur Massada à la tête de la Xe Légion, décidé à briser cette poche de résistance.
    Tout autour du plateau, Silva met en place un redoutable dispositif guerrier.
     

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    Vestiges du principal camp romain. Image Jay P
     

    Il fait construire un mur renforcé de onze tours et de huit camps retranchés, dans le but d'empêcher les assiégés de s'enfuir. La principale supériorité de l'armée romaine réside dans son équipement : engins de tir perfectionnés (catapultes, scorpions, balistes) et machines à enfoncer les murailles (béliers et hélépoles).

    Mais pour pouvoir utiliser ces armes, il est impératif que les Romains se rapprochent du sommet.
     

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    Casque et armure en bronze d'un soldat romain. Image Mharrsch
     

    Or, sur le versant ouest du site, surplombant quasiment le principal camp des Romains, se détache une large corniche nommée "la Blanche". Pour y accéder, le gouverneur a fait construire une rampe en terre battue et en pierres (celle qui mène aujourd'hui encore à Massada).

    C'est par là que les Romains attaquent la forteresse. Jaillissant d'une tour en bois, au bord de la rampe, des légionnaires, armés de catapultes, tentent d'ouvrir des brèches, tandis que, en bas, d'autres ébranlent les murailles à coups de bélier.
     

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    Rampe romaine. Image Jay P
     

    Pendant ce temps, les occupants de la forteresse consolident les bastions en construisant un terre-plein soutenu par une assise en bois, qui ne résiste pas aux flèches incendiaires des assaillants, car le vent propage l'incendie, qui menace désormais l'intérieur de la forteresse.
     

    Le sacrifice héroïque
     

    Dans l'une des pages les plus poignantes de la Guerre des Juifs, l'historien Flavius Josèphe rapporte les mots d'Éléazar Ben Yaïr, le chef des zélotes assiégés à Massada par les Romains, en 73 apr. J.-C. : « Tant que nos mains peuvent empoigner une épée, elles nous font une généreuse faveur : mourons tant que l'ennemi ne nous a pas encore réduits en esclavage et, en hommes libres, disons adieu à la vie avec nos femmes et nos enfants. »

    Et il raconte qu'au cours de cette nuit dramatique, après avoir étreint ceux qui leur étaient chers, les zélotes se sont suicidés en masse. Le lendemain matin, parvenus au sommet du rocher, les Romains n'ont trouvé que 960 cadavres et les cendres fumantes d'énormes quantités de vivres. Ce n'est pas ainsi qu'ils comptaient mater la révolte.
     

    Corniche "La Blanche" qui mène à Massada. Image Jay P
     

    Nous connaissons le chef des zélotes car son nom apparaît sur plusieurs ostraka.

    Selon certaines études, ces ostraka seraient la preuve d'un tirage au sort parmi les dix chefs de la rébellion, lors du dernier jour de siège, après quatre années d'héroïque résistance, lorsqu'il devint évident que tout espoir était perdu. Flavius Josèphe, l'historien juif de langue latine, raconte que chacun des hommes dut tuer les membres de sa propre famille et suivit, ensuite, les mêmes règles en participant à un tirage au sort:

    « Le vainqueur dut tuer les neuf autres, puis se donner la mort ».
     

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    Vue aérienne de Massada. Image Edi Weissmann
     

    Flavius Josèphe nous apprend également que les habitants de Massada cultivaient les terres vierges du plateau et que, avant de se donner la mort, ils ont brûlé les bâtiments afin que les Romains ne puissent pas s'en emparer ni profiter de leurs biens, mais ne touchèrent pas aux réserves, pour que l'ennemi comprenne qu'ils s’étaient suicidés au nom de la liberté et non parce qu'ils étaient affamés.

    Massada est le symbole du sacrifice extrême accompli par les juifs pour la liberté. Pourtant, le Talmud ne mentionne pas l'épisode de la résistance et du suicide des zélotes. L'unique source écrite est le témoignage de Flavius Josèphe, qui a rencontré deux femmes ayant survécu au massacre en se cachant dans une conduite d'eau. Mais Flavius Josèphe était considéré comme un traître.


    C'était un juif qui avait pris le parti des Romains. Ainsi, au fil des siècles, la mémoire collective a oublié cet événement, et le rocher de Massada avec lui. Jusqu'à ce que le poète Isaac Lamdan écrive en 1920 un poème intitulé précisément Massada. C'est ce récit qui a inspiré le soulèvement du ghetto de Varsovie durant la Seconde Guerre mondiale.
     

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    Image Edi Weissmann
     

    Encore aujourd'hui, la citadelle perchée sur son rocher, visitée chaque année par des milliers de touristes, est un lieu hautement symbolique de la culture nationale d'Israël. C'est la raison pour laquelle les recrues de l'Armée célèbrent le début du service militaire en prononçant sur le sommet de la montagne les mots suivants, lourds de signification : « Massada ne tombera plus.
      
      
      
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