Robert, mon grand-père…
Auteur: Christine Deltombe - Fournier
Famille: Fournier
Région: Nord - Pas-de-Calais
Date de publication: 06.05.2010
 
Robert Fournier

Robert Fournier

« Grand – père » était résistant et j’en suis fière. Victime d’une dénonciation, il a été mis en prison à la libération. Pourtant il savait se taire mon grand-père. C’est évident, il était de la Résistance… Il appartenait au mouvement « LA VOIX DU NORD ». A la déclaration de guerre, la famille Fournier vivait à La Madeleine. Quatre enfants, deux filles, deux garçons dont mon père, Raymond. Mon grand-père était démonstrateur-vendeur chez Renault. Gilberte, ma grand-mère et marraine, était employée de bureau-comptable également chez Renault.

Un jour, Rip, le chien de mon père, est monté dans un camion militaire anglais qui repartait pour Dunkerque. Mon père ne l’a jamais plus revu… Le reste de la famille est parti vers l’Espagne en Chenard-Walcker – une ancienne voiture française – afin de mettre à l’abri les archives de Renault. Sur la route des fermes ou maisons brûlées et abandonnées.

 Une route souvent ponctuée d’attaques aériennes. « On y croisait des voitures d’enfants, des chars à bœufs, des remorques tirées par des chevaux » m’a raconté mon père. A pied ou en voiture, c’était la route de l’évacuation …

La famille Fournier est arrivée en Normandie. C’est par le bac qu’il fallait traverser la Seine, le bac qui permettait aux piétons, mais aussi aux automobilistes de traverser le fleuve. Enfant, quand mon père rentrait chez lui, peu avant le couvre-feu, il s’amusait avec ses copains à faire claquer ses galoches pour faire croire au passage d’une patrouille allemande.

Et cela marchait… Les lumières s’éteignaient sur leur passage. Un soir, mon père a surpris ses parents en train de préparer des tracts destinés à être collés partout en ville. Ils écoutaient radio Londres – la BBC avait ouvert ses ondes aux premiers résistants qui avaient fui. Radio Londres était le rendez-vous quotidien des Français. Dans les tas de bois et de charbon étaient cachés fusils et munitions. Les armes du réseau « LA VOIX DU NORD ».

Mon grand-père était surnommé « Goebbels » par ses copains de l’armée de l’ombre. L’anecdote que mon père m’a racontée et qui m’a le plus marquée est celle qui relate quand « Nénenne », mon arrière grand-mère est sortie sous la mitraille et a tranché un rôti dans le corps d’un cheval abattu et encore chaud ! A la libération, sans doute sur dénonciation, la police a perquisitionné le garage de mes grands-parents. Ils y ont trouvé des capotes vert de gris que mon grand-père a prises à l’ennemi.

Sans aucune forme de procès, mon grand-père a été emmené et emprisonné dans une geôle sous la mairie de La Madeleine. C’est par le soupirail que sa famille lui faisait passer cigarettes et nourriture. Il aura fallu deux jours pour le faire libérer et le blanchir. Mon grand-père en gardera plus qu’un mauvais souvenir…mais moi j’en suis encore plus fière !

  

Christine Deltombe – Fournier
… Et fière d’être petite – fille de Robert & Gilberte Fournier, membres fondateurs du Mouvement « La Voix du Nord »